Cette remarque introductive n’engage que nous, mais nous affirmons qu’après la fumisterie que constitua l’épisode des Sex Pistols, c’est en 1978 que Johnny Rotten alias John Lydon co-fonde son vrai premier grand groupe : Public Image Limited. Quelques « sons » uniques ont marqué l’ère du punk et de la Cold Wave : le son de Television, celui de Siouxsie and The Banshees, celui de Cure… Et celui de P.I.L. Le sommet discographique du groupe est probablement Metal Box, le deuxième opus (1979).
On se souvient entre autres de la basse extraordinaire et ô combien présente de Jah Wobble – qui n’ira cependant pas plus loin dans l’aventure pilienne et voguera vers de nouveaux horizons tout aussi originaux -, et de nombreux morceaux de qualité comme Albatross, Poptones, Careering ou Swan Lake. Après ce coup de maître, le groupe enregistre cinq disques dans les années quatre-vingt, et un en 1992…
Le temps passe et c’est seulement en 2009 que Public Image Limited se reforme pour faire de la scène. This Is Pil est enregistré en 2011. Les excellents Keith Levene, à la guitare, et Martin Atkisn, à la batterie, ne sont plus là. De la formation d’origine, ne reste finalement que John et sa voix criarde, métallique, traînante, un peu gnangnan… La voix d’un lardon incorrigible et casse-pieds reconnaissable entre mille.
L’écoute This Is Pil laisse une impression plutôt mitigée. En trente ans, Lydon n’a pas beaucoup évolué. Il paraît tourner en rond, psalmodier à poumons ouverts l’éternelle même rengaine. Toujours ce satané chant aux mélodies qui n’en sont pas et qui ne dépassent généralement pas trois ou quatre notes martelées ! Et cette façon de décomposer les syllabes, et d’appuyer sadiquement sur certaines d’entre elles, qui donne à penser que le bonhomme passe son temps à s’auto-caricaturer ! Cette répétitivité-là, celle qui fait croire que l’on entend un peu toujours le même morceau, est un peu désolante. Lassante. Mais on peut aussi choisir de se laisser pénétrer par cet organe vocal qui s’est certes émoussé avec les ans, un peu aplati, mais qui garde sa singularité, rend l’auditeur que nous sommes, malgré tout, positivement mélancolique et ivre d’un relatif plaisir à dimension punk. Et puis les musiciens sont carrés, ils font assurément leur job. Il y a un évident travail productif effectué sur les sons, les rythmes, les chœurs, les arrangements. Et l’on a donc ainsi aussi, intacte dans certains morceaux, cette répétitivité musicale et rythmique fascinante, tournoyante et hypnotique – non stérile celle-là – qui a fait et continue de faire la marque du groupe. Évidemment la basse est beaucoup plus banale que celle qui habitait les deux premiers albums – on ne peut que regretter l’étonnant Jah Wobble, quasiment irremplaçable -, mais elle est efficace, comme efficaces sont les guitares et la batterie.
Si le premier titre, celui qui donne son titre à l’album est une vaste et mauvaise blague, un slogan qui pourrait être à 2011 ce que fut le fameux This Is Not A Love Song en 1983 – le temps n’ayant pas du tout arrangé les choses – quelques titres sont très accrocheurs. Nous pensons notamment à One Drop qui pourrait être le hit de l’album si ce mot avait un sens chez ce groupe anti-commercial qui semble cultiver une étrange et provocante relation partiellement faite de rejet et de déception entre lui et son auditoire. Ce morceau tourne bien. La guitare égrène de belles notes sur une rythmique assurée. Il est touchant. Lydon y évoque son enfance, dénonce la société qui rend vieux les innocents, revendique son esprit de résistance : « I’m John and I was born in London / I am no vulture and this is my culture / The laws of nature, they’re lawless and free / We come from chaos, you cannot change us ».
Nous pensons à ce morceau magnifique, dont nous conseillons fortement l’écoute : Deeper Water. Le riff de guitare joué sur une corde et sur-mixé, qui fait son apparition épisodiquement, est des plus assurés et rassurants. Il est hyper prégnant, grand à pleurer. Les chœurs masculins sont à l’avenant. Ce morceau a plus ou moins été improvisé et le rôle du guitariste Lu Edmonds – qui a un temps joué dans The Damned – a été essentiel. On appréciera aussi It Said That. Des guitares majestueuses et très réverbérées. Un orgue dont la présence, bien que discrète, fait plaisir à entendre. Comme un souffle d’air, l’apparition de cet instrument chez P.I.L.! Une voix lydonienne un peu apaisée. Un son d’ensemble qui fait penser à ce fabuleux groupe que fut Magazine !
L’album This Is Pil n’est pas un chef d’œuvre, mais en ces temps où le rock n’a plus grand sens, il n’y a aucune raison de ne pas tendre une oreille au nouveau P.I.L. et de ne pas goûter au plaisant et sympathique déplaisir de se prendre quelques morceaux du groupe dans la FACE.
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