Parties Fines (A voluptuous journey through 70’s French erotic cinéma)

Culturopoing finalement c’est un peu comme la chanson « Animal » de Francis Cabrel, vous savez celle qui parle d’un gars qui invite une fille chez lui, qui lui baratine tout son laïus plus ou moins faisandé sur l’origine des tapis sur les murs, qui lui parle des centaines de films vus ou des tonnes de disques écoutés blablabla blablabla sans oublier ses plus belles lectures. Le genre à l’aise entre ses quatre murs comme dans la vie, le genre urbain ou semi-urbain  jamais autant à l’aise que sur son sofa à 800 euros achetés chez Ikéa ou sur une chaise d’un bistrot de la rue Oberkampf, le genre éclairé à l’électricité statique.

« On ne peut penser qu’assis » disait Flaubert, l’ancêtre des boboroïdes avec sa barbe de 10 jours et ses petites lunettes rondes. Ce à quoi Nietzsche lui rétorquait : « Je te tiens Nihiliste ! être cul-de-plomb voilà par excellence le péché contre l’esprit ! Seuls les pensées que l’on a en marchant valent quelque chose » . Non mais.

Oui, Culturopoing c’est comme une chanson de Francis Cabrel. Jusqu’ici rien d’anormal vous allez me dire et en un sens c’est réjouissant d’apprendre que les mutants et mutantes de Culturopoing sont des gars et des filles comme les autres qui aiment à dragouiller aux heures non ouvrées plutôt que de se cloîtrer chez eux à regarder les scènes coupées de la version Imax du dernier film d’Eric Rohmer.

Seulement voilà.

Seulement il y a une heure où retentit le signal et l’heure où le culturopongiste va se sentir animal, animal animal, animal animal animal. Finie la rigolade ca va chier pourrait-on entendre s’il était question ici d’êtres primaires et hirsutes. Ce signal prend la forme par exemple de cette magistrale compilation dédiée aux musiques de films érotiques françaises des années Giscard (appelé dans l’intimité d’ailleurs « Genghis Car » du moins si j’en crois les mémoires de Marlène Jobert). Ce signal prend ici la forme de vocalises suaves et surtout de mélodies discoïdes langoureuses ou de funk à la petite semaine nappé de mélodies vaporeuses et le plus souvent douces comme une main manucurée (il n’est pas question de tape-à-l’œil).

Je parle de funk et de disco bon d’accord mais si je vous dis Mort Schuman (extraordinaire « Get it up baby » extrait du film Sex O’clock USA sorti en 1976, sorte de rencontre improbable entre le Lonnie Liston Smith de « Get down everybody » et ce bon vieux Marc Cerrone),  si je vous dis Michel Magne (en roue libre easy-listening sur « Bach Anal » et « Fantasme d’Emmanuelle » tiré du 4è volet des aventures d’Emmanuelle, si je vous dis Patrick Juvet qui met en musique un film de David Hamilton (fouyouyouyouye) pour une mélopée électronico-downtempo de premier ordre, si bien qu’on a l’impression là d’écouter une démo de Joe Hisaishi à l’époque de sa collaboration avec Kitano sur « A scene at the sea » (bon d’accord j’exagère un peu mais côté nappes de synthés c’est presque ça), si vous je dis encore Philippe Sarde qui vient d’encanailler pour le film « Premiers désirs » de 1983?

Si je vous dis encore ce coquinou de Pierre Bachelet dont l’inspiration mélodique éclate ici  à travers son « Disco circus » et son néo-ambient « La roulotte » (du « Dernier amant romantique » de 1978) ou ses emprunts à sa musique de « L’histoire d’O » qu’ont écouté en boucle sans doute les deux branleurs de Air (c’est affectif n’allez pas croire, pas ma faute si Jean-Benoit est un obsédé sexuel). C’est là une belle révélation ou du moins une confirmation pour ceux qui savaient déjà mais n’osaient croire à un passé musico-érotomane de premier plan pour ce mix improbable entre la tronche de Jacques Brel et la coupe de cheveux de Nicolas Peyrac qu’était Pierre Bachelet. Qui l’eût cru que dans le Nord z’avaient leur Choron ?

A l’énumération de tous ces noms, vous aurez compris qu’il s’agit ici de funk bien blanc voire à moustache, de disco-gauloise mais aussi et surtout de superbes mélodies et de vrais grands moments musicaux.  On rajoutera à ce magistral inventaire quelques pépites venues de compilations sexuées (« les 12 meilleurs films classés X » ou encore un génial « Laure » de 1977 sans oublier un dénommé Gizil qui magnifia le film Erotica (1977) de ses mélodies orgiaques et de ses musiques en forme de caresses intimes). Compilation essentielle de par la musique et l’esprit qu’elle véhiculait, celle d’une époque de toutes les libertés (du moins de beaucoup de libertés) où la moindre pellicule imprimée allait de pair avec une musique ample (du disco langoureux à la ballade synthétique, du funk paresseux aux cordes en forme de sex-toy) et d’une richesse inépuisable.

Le culturopongiste est Nietzchéen dans l’âme quand il est question de penser, il aime arpenter le bitume de son pas plus ou moins altier,  plus ou moins résolu, solidement campé sur ses deux jambes en tous les cas, à l’affut de tout et dans l’attente de rien. Et puis en marchant comme ça, au gré du vent, forcément on  arrive à croiser du monde, des jouvencelles ou des tourtereaux, de simples ombres ou bien d’aveuglantes lumières. Fatalement  alors des pensées sexuées ou du moins sensuées viennent jusqu’à nous entre deux réflexion de base sur les mérites comparés du dernier film d’Alain Resnais et de Yann Moix, c’est alors l’heure d’écouter « Parties fines » cette belle compilation, cette formidable compilation, l’Ipod comme vibro-écouteurs agissant sur nous comme un filet de miel sur une peau halée.  Les Flaubertistes peuvent aller se rhabiller, c’est au culturopongiste de se foutre à poil.

Sortie sur l’excellent label Vadim Music (une de leurs rares sorties en Cd, profitez-en) ce « Parties Fines » est un must de vos jours comme de vos nuits, un alliage suave et érogène entre le downtempo et quelques envolées rythmiques sexy mais toujours chatoyantes et sobres comme une beauté pure qui sait qu’elle n’a pas besoin du moindre tape-à-l’œil pour taper dedans justement (dans l’oeil), c’est un appel inspiré à la concupiscence et à la gaudriole. Viens faire un tour sur Culturopoing bébé !


Tracklisting  (pour les non-profanes)

  • 1. Disco Circus – Pierre Bachelet
  • 2. Two Partners – Jean Pierre Pouret
  • 3. Kiss – Gizil
  • 4. O’ Et Sir Stephen – Pierre Bachelet
  • 5. Motel Show – Pierre Bachelet
  • 6. Introduction Of Love – Jean Pierre Pouret
  • 7. Laure – E.Arzan
  • 8. Stephania – Jean Pierre Pouret
  • 9. La Roulotte – Bachelet
  • 10. Get It Up Baby – Mort Schumann
  • 11. Premiers Désirs – Phillipe Sarde
  • 12. Fascination – Patrick Juvet
  • 13. Femmes – Gizil
  • 14. Bach Anal – Michel Magne
  • 15. Fantasme D’emmanuelle – Michel Magne

 


 

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