Too Bright est sans doute l’album le plus éclectique de Perfume Genius qui n’a de cesse ici d’expérimenter de nouvelles voies / voix. Écrit dans un premier temps avec l’envie et le défi d’être plus « mainstream » (le titre est d’ailleurs empreint d’une certaine ironie à cet égard) que ses précédents albums Learning et Put Your Back N 2 It dont beaucoup reprochaient l’apprêté et le cynisme, Too Bright s’avère un opus bien plus subtil qu’il n’y parait à la première écoute, empli d’une force et d’une rage inhabituelles pourtant cohérentes chez Mike Hadreas, chanteur du groupe, dont la fragilité s’oppose depuis toujours à une colère morbide des plus sombres.
L’album débute par un titre piano /voix, I Decline, qui pose les bases de ce que nous connaissons déjà pour mieux les exploser avec le titre suivant, Queen, qui révèle quant à lui un univers plus fracassant, plus assumé que de coutume et qui sera la marque de fabrique de l’album tout entier.
« Don’t you know your queen?
Yet even flower bloom at my feet
Don’t you know your queen?
Cracked, peeling
Riddled with disease
Don’t you know me
No family is safe
When I sashay », Perfume Genius, Queen.
Evoquant l’impact de se savoir gay sur l’entourage, Hadreas convoque dans ce titre la rage dévastatrice et la force salvatrice de la différence qui tout emportent, jusqu’à l’acceptation en étendard.
Car c’est bien de cela dont il s’agit : Mike Hadreas, autrefois imago, est une reine splendide et sexy devant laquelle il faut désormais se prosterner tant il manie avec brio sensibilité et rage, lumière et obscurité. Flirtant avec les années 50 autant qu’avec l’esthétique cheap des années 80, Too Bright oscille entre disco et krautrock et cela sans vergogne. On ressent d’ailleurs l’influence d’Adrian Utley, guitariste de Portishead, dans cette manière de salir le son en le saturant. Des synthés inquiétants et old school de Fool et Longpip au piano rassurant de Too Bright, tout témoigne ici d’une recherche certaine dans le son autant que dans l’ambiance. Paillettes et fèces. Cohérents, certains titres se répondent dans la rythmique, tel que My Body et Grid, dont les épileptiques lignes de basse résonnent de concert. Perfume Genius revêt le cri et l’hypnotique comme une robe, et ça lui va plutôt bien, avec de hauts talons et du fond de teint.
Le changement lumineux a-t -il pour autant chassé les vieux démons du chanteur torturé par l’alcool, le sexe et l’autodestruction ? La réponse se trouve sans doute dans le titre Grid qui rappelle qu’il n’y pas d’ange au-dessus de la grille et que la merde et le diamant s’avalent toujours l’un et l’autre.
« I know you worry
Baby, sometimes – maybe baby.
You were right
I can see
See for miles
The same old line
There is no angel
Above the grid
Maybe baby
This is it
A diamond
Swallowed and shit
Then swallowed again
At least we know where it’s been », Perfume Genius, Grid.
Notre coup de cœur incontestable va pour le titre I’m a Mother qui questionne la paternité homosexuelle par le biais d’une ambiance sombre et torturée à l’extrême, la voix d’Hadreas n’ayant de cesse d’être à la brèche jusqu’à l’ouverture finale, plus solaire.
«[My mom is] convinced that I’m going to have children, but I’m not really certain how I’m going to do that. It’s hard not to be ashamed of that, in a weird way—that I can’t have children in a natural way. It’s not like me and my boyfriend are just going to pop out a butt baby all of a sudden », Mike Hadreas à propos du titre I’m a Mother (Pitchwork).
Un incontournable, une nouvelle fois.
Sortie le 22 septembre (Matador Records).
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