Il est un peu délicat en préambule d’évoquer ce disque de Ramona Falls, projet « solo » de Brent Knopf, à la lumière de son travail au sein de Menomena (superbe trio américain au sien duquel il remplit les fonctions de clavier/bassiste/guitariste/chanteur), groupe malheureusement inconnu en nos terres (cela dit, chez eux aussi). Car c’est être fan de Menomena qui fait écouter avec attention et curiosité ce disque, le même fan qui a bien conscience qu’il lui est impossible de discuter de cet album sans se référer à la musique du groupe-mère de notre aimable bonhomme, musique que peu de personnes sans doute connaissent. Le Serpent qui se mord la queue en quelque sorte.
Essayons de faire concis et simple pour les non-initiés. Ramona Falls est un disque de pop d’aujourd’hui, une pop intemporelle du côté du son et des mélodies (assez classiquement construites autour d’un piano ou d’une guitare) mais typique de nos temps d’home-studio et d’orchestre de chambrette convoqué à grands coups de logiciels malins ou de pistes alignées sur le laptop. Une musique de gars qui fait à peu près tout par lui-même en-dehors de l’aide de quelques copains trombonistes ou violonistes venus tâter du tempo entre deux bières.
Pour les autres, disons que l’on retrouve ce ton volontiers léger (à ne pas confondre avec joyeux) à la Menomena, une pop ludique et décontractée, à la fois riche dans le contenu et modeste, presque effacée, dans le faire-savoir. Ce qui change par contre c’est une relative linéarité des mélodies, une ligne droite si vous voulez là où Menomena aime les angles droits et les brusques changements de ton, semblant pris de nausées rien qu’à l’idée que l’on puisse taper du pied sur leur musique.
La voix ? Lymphatique à souhait, effacée elle-aussi. Qui a vu le groupe jouer se rappelle sans doute le sourire en coin et l’œil pétillant de l’ami Brent au moment de gloser vocalement sur les arabesques rythmiques de ses deux comparses (un batteur hallucinogène et un guitariste/saxophoniste chanteur à ses heures perdues également), un air juvénile et mutin ayant toutefois plus à voir avec l’étudiant brillant à baskets et bretelles qu’avec le jeune ado à converses. Ce son tout simple, accessible au commun des mélomanes mais qui ne caresse jamais le public dans le sens du poil auditif. Peut-être y-a-t-il ici plus d’emphase (des orchestrations plus denses, bien plus de piano) que chez Menomena, les amateurs d’Owen Pallett pourront aimer ce son, plus organique et terrestre que chez le violonneux canadien mais sensiblement proche côté humeur (l’acoustique Bellyfulla par exemple).
Le disque à contre lui, comme Menomena d’ailleurs, de pouvoir paraitre par trop dilettante ou dénué d’émotions (on est à l’aise dans cette musique, on n’y frissonne pas il est vrai), les chansons manquant peut-être de corps et d’assise (une rythmique en lévitation comme toujours avec notre homme). Qu’importe, le disque est bon , la musique agréable, ce disque est une curiosité à découvrir. On mettra en avant deux titres tout particulièrement, I say fever et Always right, deux jolis moments de ce début d’année musicale.
Aux marges des humeurs et des tonalités, la musique de Ramona Falls sait trouver sa place pour qui aime la pop bricolée à la main sans pour autant se refuser toute ambition orchestrale.
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