Route du Rock 2018 – Vol au-dessus du psychédélisme
… car cette nouvelle édition fut bien éclairée par cette forme de jubilation, même si, ici et là, l’électronique a gardé toute sa place du côté des têtes et des jambes.
Plus besoin de présenter le festival de référence de la Pop indépendante qui depuis 1991, possède un charme fou de par sa cohérence et de sa logique de faire découvrir des groupes du monde entier, ceux qui marqueront les lignes musicales de demain.
Jour 1
Dans le pays Malouin, pas de microclimat pour s’installer tranquillement au camping en ce premier jour. Le temps d’avancer et de prendre la température à l’ouverture du site, Le Villejuif Underground prendra ses gammes sur la modeste scène des Remparts. Alors qu’on attend avec impatience le premier album chez Born Bad, le groupe à la carrure ultra cool mélangea avec un côté irrévérencieux le bricolage Pop de Beck et de Cornelius des débuts avec du Garage, le tout avec juste ce qu’il faut d’humour. The Liminanas a ensuite illuminé la grande scène du fort sur les deux premiers morceaux que j’ai vu. J’imagine que la suite était du même acabit, mais j’avais une interview au même moment.
Pas de temps à perdre pour le groupe Grizzly Bear, de retour après un fascinant concert en 2009. La recette magique des Américains voyage entre Crosby Stills & Nash et la richesse de la Folk contemporaine, avec, il est vrai, des vrais moments de jubilation sur certains morceaux du dernier album Painted Ruins comme de Veckatimest (« Two Weeks »). Il y eu certes des moments ennuyeux mais en règle générale, Grizzly Bear nous fait toujours tutoyer les étoiles.
Le groupe Shame suivra avec une puissance et une atmosphère aussi tendue que poisseuse. Le premier album Songs Of Praise est comme sur scène : vicieux, Post-Punk à souhait et dans une urgence qui restera dans une ligne clair-obscur, un concert parmi les grands moments du premier jour avec Follakzoid, groupe Chilien des plus fascinant et radical sur scène. Collant parfaitement au milieu de la nuit, les soixante minutes d’hypnotisme cosmique et organique divaguaient sur un esprit au final Techno. Résultat ? Un seul morceau d’une heure, métronomique mais sous une pluie d’effets, avec une guitariste transgenre jouant au maximum sur les réverbérations et les échos. Un voyage étonnant et qu’on n’explique pas, magie sensorielle parfaite pour finir hors du temps.
Shame (RdR 2018)
Jour 2
Pour le deuxième jour, direction la plage du Bon Secours à St-Malo. En début d’après-midi, Topper Harley enchaina New-Age & Pop Française d’outsiders des 80’s avec bon sens. Le Belgo-Espagnol Marc Melia suivra ensuite, avec une économie de moyens, à l’image de sa musique. Armé de son Yamaha DX7, la musique d’inspiration rétro-futuriste et de calibrage New-Age avait un côté très émouvant. Le public, nombreux, était hors du temps et hors des modes, avec un esthétisme collant parfaitement aux horizons lointains de l’océan. Comme quoi, tenir un principe minimaliste peux donner un sens très riche pour l’esprit.
Pour le retour sur les terres, place à l’artiste remplaçant John Maus, du nom de Jonathan Bree. Des personnages tout en blanc, pour une musique tout en atmosphère cinématographique. Dans une voix de velours, le Néo-Zélandais a tenu bon, dans une cohérence proche de Conan Mockasin & Portishead. Idéal pour enchainer avec Patti Smith, le genre de reine de la musique qui élève la conscience entre le fond et la forme, construisant son concert en famille, posant des reprises au bon moment. Et même s’il y avait un esprit un peu fête de l’Huma, une perte de texte (au milieu de concert, oubli qui s’élèvera émouvant au final) et un peu trop de Jésus, Patti Smith englobera plusieurs générations en une seule unité de temps. Et ce texte influencé par L’Enfance d’Ivan (d’Andreï Tarkovski) rendra progressivement fou, grâce à cette voix spirituelle.
A la suite, Ariel Pink s’avèrera décevant car trop propre, pas assez lo-fi par rapport à son dernier album ou encore Pom-Pom. Malgré tout, sa richesse d’univers surprend toujours autant, tout comme Nils Frahms et sa musique entre Electronica et House Downtempo. Même si la baisse de régime étonna plus d’une personne, l’Allemand prouva pendant soixante-dix minutes que le mixage entre électronique et organique trouve son naturel grâce à son savoir-faire. Du coup, il était temps de regarder les étoiles ou au pire fermer les yeux dans un moment unique. Et en plus, le musicien s’avéra un pianiste hors pair. Pour finir, début de Party avec la créatrice du label Bpitch et vétérante de la Techno Berlinoise Ellen Allien, avec un début chaotique (plus de son de façade pendant cinq minutes et roulette russe entre 80Db & 117Db) qui sera rattrapé par une sélection de Techno bien mentale et sèche (à l’image de son premier morceau signé Aphex Twin sous le pseudo Polygon Window).
Jour 3
Dernier jour, et la fatigue commence à se sentir. Rien de tel que d’aller sur la plage dans un temps bien plus gris qu’au début du festival. Tension Post-Punk et Punk US avec Topper Harley et passages plus fluides et subtils étaient au programme avec Forever Pavot, exercice sublime entre la musique de film de François de Roubaix ; l’Afro-Beat de Tony Allen & la Pop Cosmique de Stereolab.
De retour sur le site, Charlotte Gainsbourg entamait un concert acceptable, peu surprenant car sonnant comme l’album. Malgré tout, la transformation de la production d’origine et purement studio de SebastiAn à un entre-deux purement Gainsbourg s’avérait très belle avec « Les Oxalis » et « Deadly Valentine », le reste étant trop anecdotique. Idem pour Superorganism, blague Electro-Pop pas drôle, biberonné par la génération Gif et marchant sur du très court-terme. Et c’est alors que les choses changèrent, via la venue de Phoenix. Assumant la Pop-Electronique de stade, le groupe hyper content de jouer à la RdR car enfant de celui- ci, rendra le public complètement fada à base de bombe Pop à retardement (« 1901 », « Lasso », « Entertainment », « Too Young », « Armistice ») touchant à une grâce et une tonalité typique du groupe. Une production solide et une écriture au cordeau (« Love Live A Sunset », ahurissant sur scène, englobant la musique répétitive ; l’Ambient et la Pop Californienne). Seul bémol, les morceaux du dernier album Ti Amo, horriblement kitch, sauvé in extremis par l’ouverture « J-Boy », bien meilleur sur scène.
La fatigue avance rapidement, et le dernier concert sera avec le plus drôle et le plus Glam du festival : The Lemon Twings. S’amusant à jouer des codes du Classic Rock, les Américains s’élèvera comme des fils de Todd Rundgren, avec une certaine théâtralité. Dommage que les pains techniques fussent de la partie au début de concert. En tout cas, une conclusion comme celle-ci résumera parfaitement une Route Du Rock tout en trombe stylistique et libre comme le vent.
Crédits photos : Jules
https://www.youtube.com/watch?v=46yV2e9er-o
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