Du ciel-éther
Les larmes sont chez elles à l’oratoire. Cabinet des curiosités baroques, les petites salles de prière ont sécrété des partitions-fleuves, à l’image de la Maria Maddalena de Bertali. Dirigé par Nicolas Achten, l’ensemble Scherzi Musicali découvre pour nous ce joyau du baroque italien qui a plus d’une perle dans son sac.
Né d’une longue sédimentation musicale, l’oratorio consacré à la figure de Marie-Madeleine répond bien à la définition que Sébastien de Brossard a donné du genre. « Opéra spirituel », la Maddalena chante l’une des figures les plus complexes de la tradition judéo-chrétienne. Représentée dans l’iconographie par un vêtement de couleur jaune, Marie-Madeleine incarne les deux versants des femmes de l’Ancien Testament. Plus qu’aucune autre en effet, Marie-Madeleine symbolise la dynamique intrinsèque de l’esthétique baroque, à rebours de la chair sans qu’elle ne s’en départisse absolument.
La Marie-Madeleine de Bertali se place ainsi sous le signe double du profane et du sacré, et décline cette ambivalence dans les moindres aspects de la représentation musicale. Trois coups, trois actes qui dessinent et déclinent les stances d’une vie entre Ciel et Terre, dont il est recommandé de s’inspirer pour sa valeur exemplaire. Le prologue voué à la « Favor divino » donne le ton, sous les traits de l’Amour lucide, qui s’élève vers l’extase divine, d’une manière qui n’est pas sans rappeler – comme le signale l’excellent Nicolas Achten – la Musique dans l’Orfeo. Il a d’ailleurs l’intelligence de mettre en regard avec cette partition, les œuvres que consacrèrent Claudio Monteverdi, mais également Muzio Effrem, Alessandro Guivizzani, Salomone Rossi & Domenico Mazzocchi à cette héroïne expiatoire. Les emprunts sont nombreux, comme autant de signatures qui pavent le chemin vers la rédemption. Signe imparable d’une contrition sincère, les larmes se logent volontiers dans les dissonances particulièrement détonantes dans l’ «Anime fortunate » ou l’air « Se peccaste infiniti » dans le troisième volet de cet oratorio.
Portée parfois à son paroxysme, l’exploitation des ressources du violon et de la future école autrichienne donnent à l’instrument d’incarner d’autres personnages. En un mot : l’inspiration ?
Antonio Bertali – La Maddalena par l’ensemble Ensemble Scherzi Musicali sous la direction de Nicolas Achten
Interprète: Deborah Cachet, Alice Foccroulle, Luciana Mancini, Reinoud Van Mechelen, David Szigedvari
CD édité par Ricercar
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