Locatelli, Leclair, Tartini, Forqueray – « L’Ange et le diable » – Chouchane Siranossian et Jos Van Immerseel (Alpha)

Diabolus et musica ?

L’inspiration, ça vous parle ? Et comment ?

Écouter l’ange ou tenter le diable ? Ici, vous pouvez faire les deux à la fois.
L’Occident voue depuis toujours une fascination angoissée aux origines de la création. D’où vient la musique ? Pourquoi son enchantement sur les êtres vivants et les astres moins morts ? D’Orphée qui réveille Eurydice aux charmes de Faust, cette interrogation redouble d’intensité lorsqu’elle se pose à l’interprète au cœur même de son office, reflet du processus créateur.

Il était une fois un disque, signé Chouchane Siranossian (violon) et Jos Van Immerseel (clavecin). Si deux et deux font quatre compositeurs, ces interprètes se présentent comme la troisième génération de défricheurs baroques, toujours plus désireux de faire précéder la restitution d’un long et fructueux travail de recherche, conciliant étude(s) et quête d’une authenticité toujours plus exacte. Entre enfer et paradis, tout paraît  possible, comme dans les divines comédies. Au jeu de miroirs entre les styles et les siècles, s’ajoute ici une invention du violon, découverte qui s’effectue au gré d’une exploration de l’ensemble de ses possibles. Virtuosité ? Vous pouvez parier. Mais jamais sans l’émotion, qui véhicule la transmission du mystère. Le réseau d’influences qui caractérise le quatuor écouté ici n’est pas sans évoquer les couples infernaux de la création musicale. Schumann et Brahms, bien sûr, mais aussi Mozart, Salieri… C’est le privilège des morts que de ne pas avoir leur mau(à)dire. Aussi, les pièces sont ici présentées dans un ordre qui permet de concevoir une progression fascinante, parfois déconcertante mais toujours signifiante, dans l’avènement du potentiel de l’instrument, dans le déploiement de sa richesse entre les mains de l’instrumentiste.

S’il participe étroitement du processus de révélation, le jeu, donc l’interprète, peut aussi s’en détacher. Comprendre. Il faut jouer pour déjouer le mystère et être pris à son propre piège. Lequel n’est jamais complètement infernal, à moins que ? Pour qui a joué « Le Trille du diable », l’origine du monde est plus que jamais certaine. Diabolique, et musicale. Troublante, comme peuvent l’être les tritons, comme les sons apparemment désaccordés d’un Capriccio de Locatelli ou l’art savant du balancement d’un Leclair dans la Cinquième Suite en do mineur. Que nous apprend cette offrande musicale ? Avant tout la merveille de la sérendipité. Les richesses de l’exercice de l’interprète qui ne peut pas, qui ne saurait s’inscrire dans une économie programmée, dans un cadre ex ante. Un rappel à l’o(r)d(r)e ?

L’Ange et Le Diable, oeuvres de Pietro Locatelli, Jean-Marie Leclair, Antoine Forqueray  et Giuseppe Tartini – Chouchane Siranossian (violon) et Jos Van Immerseel (clavecin)
CD édité par Alpha

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