(Article préalablement publié en octobre 2007)
Quelques lignes avant d’entrer dans le vif du sujet sur Stars. C’est un groupe de pop sans guère d’originalité dans sa recherche de la pop-note bleue, un double chant masculin et féminin singularisant quelque peu l’entreprise. Ils sont originaires du Canada et traînent quelque peu dans la mouvance initiée par les Broken social scene (à la base déjà un conglomérat de membres de plusieurs groupes) ou encore bien entendu les Arcade fire.
Ce quatrième album était très attendu puisqu’il fait suite au mirifique « Set yourself on fire » qui nous avait enchanté il y a de cela 2 ans, surtout d’ailleurs le premier titre « Your ex-lover is dead », poignant, étonnant, somptueux. Un morceau (mais tout un album également) qui nous avait fortement remué et qui faisait des membres de ce groupe des amis proches, intimes, de ceux dont on est toujours heureux d’avoir des nouvelles.
Or, le facteur vient donc de passer. Ce nouvel album donc qu’en est-il ?
On n’écrit certes pas un morceau de la trempe de « Your ex-lover is dead » tous les quatre matins (ou même tous les quatre ans) et l’ensemble de fort belle facture atténue largement la déception de ne pas être pris aux tripes à un moment ou à un autre. C’est toutefois un fort bel album, pas de problèmes là-dessus. De prime abord on retrouve les timbres caractéristiques des deux voix couvées par de délicates chansons et une délicate production, un même ensemble de balades chiadées et de pop songs gentillettes et agréables
Citons les chanteurs, le ténébreux Torquil Campbell et la langoureuse Amy Millan: lui, la voix posée avec comme une distance qui s’installe quand il prend le micro, un halo de mystère. Elle, la voix délicate, appliquée, parfois même lymphatique.
Le travail sur le son est à mettre en avant. Là en effet où les précédents albums avaient eux aussi leur dose de précisiosité, de méticulosité, d’ambition dans le chemin balisé de la mélodie pop ce disque-ci est le premier de leur discographie à être doté d’un son chaleureux et ample. Un son calibré pour certaines radios pourrait-on même rétorquer en un soupir valant reproche mais après tout la qualité n’est pas incompatible avec les ondes. Et puis débuter un disque par un instrumental cela rend tout de suite sympathique, même avec un « The begining after the end » basé sur des gimmicks improbables de synthé, une sorte de space pop mais sans trop quitter pour autant l’oscilloscope modéré du groupe. La ligne (claire) étant en effet toujours au centre de toutes les chansons du disque, même si le curseur varie d’une piste à l’autre autour de quelques couleurs disparates.
L’album, on l’a dit, réunit d’égale manière (ou presque) balades contemplatives et pop songs gouailleuses. Du côté du miel citons « My favourite book » où Amy Martin rappelle dans la voix une certaine Suzanne Vega mais avec un côté davantage décontractée et laid-back que la diva New-Yorkaise. Sur ce morceau d’ailleurs quelques arrangements quasi-easy listening nous renvoie également au travail du (si bon) groupe Saint-Etienne. Citons aussi « Personal », chanson chuchotée à la musique qu’on qualifiera de minimaliste même si elle s’épaissit quelque peu au fur et à mesure des soubresauts vocaux. Un piano discret en mode couplet et à peine plus audible en mode refrain accompagne cette très belle chanson sur l’échec d’une relation (thème récurrent dans les paroles de Stars).
Terminons le quart d’heure nord-américain avec « In our bedrooms after the war » (chanson titre, et quel titre !! Encore une chanson d’impasse relationnelle et de cul de sac mais vous l’aviez deviné non ?), dernier morceau de l’album. Une belle bluette chanté par l’ami Torquil où les arabesques orchestrées prennent là encore un peu plus d’altitude au fil des couplets, sans toutefois jamais dépasser ne serait-ce que le Crêt de la neige. Oui point de grandiloquence ici, une apothéose à leur échelle en fait. Tout cela reste à hauteur d’homme, fusse-t-il à terre.
Pour le côté « Je montre les dents (de lait) » il faut avant tout parler des deux chansons qui suivent l’instrumental inaugural, « The nights stars here » et « Take me to the riot ». La première est une pop song parfaite dans sa douceur éthérée, la seconde est très proche d’un groupe comme Eskobar (mais si, rappelez-vous ! « You’re gonna find someone new, I really hop you do.. Cos’ I love you », superbe tube de ces dernières années!), la teneur générale d’ailleurs des morceaux les plus enjoués du disque rappelant ce sympathique combo suédois.
Notons pour tater du bémol que Torquil crispe un petit peu lorsqu’il entonne sur le refrain « Take me to the riooooot! » avec juste ce qu’il faut de fragilité et de naiveté dans la voix pour nous fare visualiser un jeune adolescent prêt à en découdre avec la terre entière dans sa chambre à l’étage et qui ne bravera même pas l’interdiction de sortir de sa maman.
Musicalement il faut relever l’omniprésence ou presque des synthés, dans leur définition la plus années 80 possible d’ailleurs dans ce qu’elles eurent de délectables.
Et puisqu’on est dans le «bof » il faut aussi évoquer les accents très Morrissey sur « Tomorrow will be better » qui déroutent un peu et surtout la franchement embarassante « Window road » où l’on jurerait entendre un fan de George Michael qui ferait une reprise imaginaire d’Elton John. Un piano, une voix et des paroles qu’on devine douces amères. C’est là d’ailleurs un grief important envers Torquil Campbell, le côté complaisant avec son petit pathos à soi, les petites peines qui font des petites chansons, le tout avec de jolies écharpes sur le dos et de jolies mélodies, un petit côté comme cela qui peut agacer. Ca renvoit (mais là il en serait fou de joie sans doute) au fameux « Ma rage d’aimer donne sur la mort comme une fenêtre sur la cour », vous savez le graffiti des toilettes dans « La maman et la putain » de Jean Eustache, l’envie me prend de rajouter moi aussi au feutre d’encre noire à l’intérieur du livret « Saute Narcisse ». .
Mais foin d’objections, le disque est beau, doux et bon ! Deux curiosité viennent d’ailleurs l’enrichir et le compléter, histoire d’aérer un peu l’atmosphère nappées de volutes amères et de mélodies douces. « Ghost of Genova » débute en effet avec une batterie qu’on jurerait samplée sur le « Gimme all your lovin’ » de ZZ Top (pas trop le genre à être barbu pourtant le Torquil) ou bien le « Billie Jean » de Michael Jackson (oui, plutot imberbe) avant très vite que le soufflé ne retombe sur ses pieds pour devenir une sorte de pop dance (toujours typiquement Stars, rappelez-vous le coup de l’oscilloscope) de petits culs blancs où Torquil singe même l’espace d’un refrain le chanteur des Scissors sisters. Et oui !
Sincèrement, cela fait davantage penser à une reprise de « Billie Jean » par Belle & Sebastian (ne rigolez pas, ils le font de temps à autre sur scène) qu’à l’intronisation en grandes pompes du nouveau p-boy funky mais cela reste toutefois un morceau des plus savoureux. En même temps quie suis-je d’autre moi-même qu’un petit cul blanc ?
« Bitches in Tokyo » par contre n’est pas une reprise de Thee Michelle Elephant Gun mais une chanson typiquement Stars artificiellement gonflée par un refrain à guitare distordante (mais savamment mixée et adoucie pas de soucis!) lorgnant vers une Blondie du 3è millénaire. Ca n’a l’air de rien mais c’est un excellent morceau !
Le quatrième album de nos amis canadiens donc. Un disque de pop très agréable et soignée. Avec ce disque Stars veut clairement jouer dans la cour des grands et porter haut et fort son nom. Souhaitons-leur après tout.
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