Nombre d’écoutes et quelques semaines de recul auront finalement été nécessaires pour rendre compte du contenu émotionnellement chargé de Portamento, le second album du collectif américain The Drums. Après un premier effort plus que remarqué, notamment dans la réalité intertextuelle de Culturopoing, il va sans dire qu’un mélange d’excitation et d’inquiétude cohabitait lors du contact premier avec l’objet : excitation tant la musique développée jusqu’ici par cette jeune formation savait conjuguer à merveille spleen et euphorie, inquiétude quant à la liste longue comme le bras de l’homme élastique des one-album-wonder dont les seconds jets dans le meilleur des cas simplement moyens asphyxient nos bacs à solde préférés et autres opérations spéciales de Noël.
Ici, la première surprise est d’entendre une voix sensiblement plus posée, moins perchée même si la différence est plus subtile que tranchée. La seconde est d’écouter une musique qui évolue sans (trop) se répéter, quelques nouvelles teintes se faisant ainsi entendre ici ou là (un inquiétant mais ravissant synthé cassé sur « Under your shadow » en premier lieu mais aussi le refrain larmoyant de « Please don’t leave » qui creuse plus encore l’épaisseur globale du contenu tout comme « If he likes it, let hem do it »). Une évolution toute en douceur en tous les cas pour au final un autre grand album. « Book of revelations » nous met de suite dans le bain, le grand, la piscine olympique. Le reste oscille entre du doux-amer à la « Days » touchant au cœur et aux pieds et du plus rythmé souvent sévèrement addictif (« Money »[1] ou « What you were »), chaque piste ayant sa propre audiolocalisation, sa propre abscisse et sa propre ordonnée sur cet impeccable graphique.
Portimento est en effet un nouveau grand disque de The Drums avec toujours cet univers qui rend compte de ce que la pop a pu proposer de meilleur dans les années 80, avec toujours ce jeu de tension menant jusqu’à l’équilibre entre une musique la plupart du temps altière et portées vers le haut et des textes désabusés ou du moins en clair-obscur. Le résultat est en tous les cas enthousiasmant de par la forte créativité des musiciens malgré un cercle musical finalement restreint (trois à quatre minutes de musique, un joli refrain et quelques couplets, un arrangement ou deux ici pour enrober le tout) ; jamais peut-être un hamster et sa roue n’avaient été aussi captivants. Alors qu’importe finalement les histoires répétées ad lib semble-t-il dans toutes les chroniques lues et/ou entendues au propos de cet album[2], la colère des musiciens envers leur guitariste démissionnaire, l’amertume en guise de moteur etc.
Oui qu’importe.
Seul le résultat compte au final et Portamento est une proposition enthousiasmante et émouvante pour servir de bande-son de cette époque, un savoir-faire plus qu’attachant pour une formule toujours efficace : traiter avec légèreté les choses graves et avec sérieux les futiles.
[1] Future enrobage de publicité à la suite de « Let’s go surfing » du premier album ?
[2] Toujours cette impression de plus en plus désagréable qu’il faut que tout soit balisé pour rendre-compte et que toute œuvre artistique se doit d’avoir sa prise, bien visible, afin que toutes les plumes l’utilisent et empruntent, les unes à la suite des autres, le même chemin de moins en moins sinueux et venteux.
J’aimerais dédier ces notes de bas de page à Cyril Bertrand Cossardeaux et Laura-JenniferTuffery en guise de discret hommage à leurs travaux en la matière