Depuis ses débuts discographiques, Tiny Ruins prend un malin plaisir à donner à ses albums un titre contredisant la fragilité évoquée par son nom et l’intimisme de sa musique ; après les couleurs vives d’un Brightly Painted One tout en clair-obscur (2014), voici les podiums et bassins d’Olympic Girls qui, heureusement sans verser dans la pompe de l’hymne stadier, marque cependant une évolution sensible dans le style de la néo-zélandaise Hollie Fullbrook et de ses compagnons. Dès la chanson éponyme sur laquelle s’ouvre le disque et dont certaines tournures mélodiques rappellent curieusement une des rares bonnes compositions de The Division Bell de Pink Floyd, « Poles Apart », de la même façon que les harmonies de l’introduction de « Kore Waits In The Underworld » ont les reflets des premières secondes de « Shine On You Crazy Diamond » (ces réminiscences s’ajustent trop parfaitement au thème développé dans chacun de ces deux titres pour être l’effet du hasard), l’impression de lumière et d’espace est saisissante, tout comme l’élan conduisant vers son plein épanouissement ce souvenir à la douceur à peine troublée par une pointe d’amertume qui s’autorise même quelques pas d’une dense lente au balancement subtilement cerné d’ocre. Avec Tiny Ruins, la nostalgie n’est jamais loin, le miracle étant qu’elle enveloppe et s’insinue sans peser, ainsi la superbe déambulation sur le fil du temps que l’on tue en sachant qu’il finira par nous rendre la pareille de « School of Design », où le violoncelle de Hollie Fullbrook apporte une touche supplémentaire de densité émotionnelle, ou la non moins touchante méditation de « Kore Waits in the Underworld » dont la dimension de Tombeau est cependant auréolée de l’espoir du retour, puisque Corè est un des visages de Perséphone et que « les feuilles si brillantes dans leur sommeil » côtoient « les bulbes enterrés commençant à pointer. » Les éléments sont également convoqués dans cette fresque aux contrastes disposés avec art ; le vent s’enroule autour de « Sparklers » pour souligner l’impermanence de tout, y compris de ce qui paraît scintiller jusqu’à la brûlure, tandis que l’onirique « Holograms » plonge dans les profondeurs marines, leurs reflets d’argent qui leurrent et ne laissent au coin des yeux que le sel des larmes. Et il y a tout ce qui fait battre le cœur, craintivement lorsqu’on a tant à donner et que l’on redoute que ce soit en vain (« How Much »), immensément quand les heures partagées sont caressantes et parfumées telle une pluie de fleurs, ces « One Million Flowers », bijou de chanson aux contre-chants moirés dont l’usage subtil du rubato exalte, illumine le texte — faut-il aimer intensément l’autre pour dérober ainsi du temps à la musique afin d’inventer, pour ne les partager qu’avec lui, des havres éclatants de soleil à l’abri des vents mauvais.

À la fois introspectif et chaleureux, Olympic Girls est un album d’une grande richesse, ambitieux sur le plan des mélodies, des textes, des arrangements, et pourtant sans cesse sur le fil, ou plutôt sur la faille, affrontant ses meurtrissures sans baisser les yeux et réussissant à insuffler à son folk gracile ce qu’il faut de couleurs et d’horizons pour capturer l’auditeur aux lacs des rêves qu’il fait miroiter devant ses yeux. Comme la pochette ouvrante qui le renferme, ce disque donne sur le large.

 

Tiny Ruins, Olympic Girls
1 CD / 1 LP Marathon Artists



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A propos de Jean-Christophe PUCEK

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