Zachary Cale- « Blue Rider »

 » Well the past is still the past you can visite anytime
Nothing’s really changed except a few road signs »
Hold Fast
 
On peut s’étonner de la relative confidentialité chez nous du travail de Zachary Cale, auteur de cinq albums remarquables parus au cours de ces dernières années. Pourtant, ses albums ont été bien reçus aux Etats-Unis et la tonalité de ceux-ci, leur inscription dans une americana cool qui a fait le succès de bien d’autres artistes (de Devendra Banhart à Woven Hand), mérite largement que l’on s’y attarde.
 
Zachary Cale est un musicien indépendant qui travaille essentiellement avec des amis proches et enregistre sur le petit label Electric Ragtime (on peut se reporter à notre interview pour mieux le connaître). Avec Blue Rider, ce travail semble avoir atteint un premier sommet qui en laisse espérer d’autres. Le choix d’une approche musicale minimaliste n’y est pas pour rien. En dehors de quelques accompagnements sur certains titres, c’est essentiellement la voix de Cale, variée, subtile, profonde, qui est ici mise en évidence, ainsi que son jeu de guitare virtuose. En concert, c’est d’ailleurs le premier sentiment qui se dégage de l’interprétation de Cale : une parfaite osmose entre cette voix si spécifique et ses accords de guitare, l’un prolongeant l’autre et vice versa.
Sur Blue Rider, les morceaux s’enchaînent harmonieusement, sans être jamais répétitifs malgré le minimalisme ambient. L’album a beau être bref, l’espace parcouru semble immense : un espace  américain fait de déserts et de grandes plaines où l’on se perd seul, renvoyé à soi-même, les images de Vanishing Point (Richard C. Sarafian, 1971) et Two-Lane Blacktop (Monte Hellman, 1971) en tête. Unfeeling, le premier morceau de l’album, débute par ces mots : « Here it comes again, that cold unfeeling gloom ». Cette tonalité sombre est la ligne conductrice de l’album, s’estompant pour revenir à différents moments avant que Cale n’achève Blue Rider sur ces paroles : « And let us not speak of the time that we have stolen, but rather of the moments that we claim to be golden. » (Noise Of Welcome). Entre ces deux titres, il aura été question de mélancolie (Hold Fast), de solitude (Dear Shadow), de famille perdue (Blood Rushes On), de fils rebelle (Wayward Son)… Zachary Cale déploie un art de conteur jamais pesant, trouvant la légèreté derrière la noirceur, portant ses textes par une guitare aérienne. On pense à Elliott Smith, un de ses modèles, à Dylan aussi par la distance faussement nonchalante avec laquelle Zachary Cale aborde ses compositions.
Car Blue Rider est un album qui s’inscrit dans une histoire, qui la traverse, pour finalement s’ancrer dans notre époque. Il n’y a pas de sentimentalisme chez Cale, pas de morceaux conçus comme les « calques » de Neil Young ou de Nick Drake que l’on rencontre fréquemment aujourd’hui. La reconnaissance du passé est ici donnée comme une évidence que l’on ne peut ignorer mais que l’on se doit de poursuivre, à laquelle il est essentiel d’apporter une pierre nouvelle. En ce sens, Blue Rider est un album résilient, par les thèmes existentiels qu’il aborde, par sa façon aussi de prolonger et rompre avec une certaine histoire du folk-rock, d’en revisiter le territoire et d’y ouvrir de nouvelles pistes.
Blue Rider sur le bandcamp de Zachary Cale

Zachary Cale: Unfeeling from L’An Vert on Vimeo.

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A propos de Alain Hertay

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