Après un premier album – sobrement baptisé Autòmata – paru en 2021 sur les cendres du groupe Lovely girls are blind, Autòmata récidivait il y a un an déjà avec Heart Murmur, second album prompt à confirmer les promesses suscitées par le charme de leurs premiers morceaux. A cette occasion, François (aux claviers) et Etienne (guitare) se sont prêtés à un échange pour évoquer ce dernier opus, plus particulièrement sa composition ou l’usage des samples par exemple. Et le post-rock dans tout ça ? Aux orties ? Malgré un « je t’aime, moi non plus » que nous révèle cet entretien, le jeudi 26 septembre au Klub, le quatuor défendra sur scène leur son et démontrera – à son corps défendant ? – que le style demeure bien vivant !

A l’écoute de Heart Murmur, ce qui interpelle par rapport au premier album, c’est l’utilisation des samples. Est-ce une volonté d’évolution ?

Etienne – Je pense que le sample des voix est venu naturellement. Comme notre musique est instrumentale, on a commencé à introduire quelques voix. Sur le premier album, il y a le vocoder qui apparaît sur le morceau 3 x 3 + 5. On a, petit à petit, naturellement, introduit des voix dans la continuité du premier album. Quand on a commencé Heart Murmur, c’était pendant le COVID, on venait juste de finir de composer le premier album, lequel n’était pas encore mixé. Naturellement, et vraiment dans une continuité, on a de plus en plus posé des voix sur les morceaux suivants, d’autant plus que ça venait de sources un peu différentes. Ce qui était intéressant, c’est qu’on a essayé d’intégrer les voix dans la composition. C’est-à-dire qu’elles ne sont pas simplement posées après avoir composé les morceaux.

On a l’impression que vous cherchiez en quelque sorte à rendre moins reconnaissables vos instruments, comme s’il y avait un besoin de s’émanciper d’eux. Est-ce exact ?

François – Ce que l’on peut dire déjà, c’est qu’il y a eu quelques changements, sur le morceau Sad guru, Etienne est au clavier par exemple. En ce qui concerne l’identification des instruments, on utilise une synthbass sur On a wire, ce que l’on avait jamais fait auparavant. Et puis il y a beaucoup d’effets qui sont appliqués sur ma guitare. Sur un morceau comme Procession, j’utilise un pitch qui enlève douze demi-tons à la guitare, ce qui donne un son un peu particulier. Des groupes comme Gojira le font, je pense. Et sur la fin du morceau, on a une utilisation du clavier qui est plutôt de l’ordre des cordes, ce que l’on n’avait pas utilisé jusqu’à présent. Et rendons hommage à Donatien (Ribes, qui a enregistré l’album au studio Labosonique), nous avons passé énormément de temps sur le mixage, ça a été une tannée. Donc oui complètement, et on est fier du résultat.

Est-ce que cela traduit quelque chose ?

F. – C’est toujours de sortir du cadre classique du post rock peut-être. Là-dessus, c’est peut-être moi, dans le groupe, qui suis vraiment obsédé par ça. On a reçu une critique de l’album qui reconnaît cette démarche, cette volonté, de faire valser un peu les cadres du post-rock classique. Et paradoxalement, j’en écoute quasiment plus.

E. – Moi ça m’arrive encore (rires). Je ne suis pas un mordu mais j’ai toujours une petite affection.

F. – La mode est derrière. Pour moi c’est un mouvement qui est complètement passé de mode. Le rock instrumental et le post-rock en particulier, à part les grosses têtes d’affiche, j’ai l’impression que ça n’intéresse plus grand monde.

E. – C’est un style qui reste une niche. Les grands fans aiment à peu près tout ce qui sort, que ce soit connu ou moins connu. Il y a toujours des mordus qui seront présents pour suivre et aimer les nouveaux disques qui sortent.

F. – Peut-être qu’aujourd’hui le post-rock se repose davantage sur la nostalgie que sur l’avant-garde. Nous, on essaierait plutôt d’aller, disons, vers le futur.

Qu’est-ce que vous écoutiez pendant la composition de l’album ?

E. – Quand on compose on est toujours, inconsciemment, inspirés individuellement par nos références et le répertoire qu’on écoute. Il y a toujours quelques disques qu’on écoute et forcément ça nous inspire dans la composition de nos instrus respectifs. Difficile de vraiment répondre, surtout que la compo s’est étendue sur quasiment trois ans.

F. – J’aurais tendance à répondre qu’il n’y en a pas. Je consomme beaucoup la musique, je ne reste pas des semaines et des semaines sur un album, ça ne m’arrive quasiment pas. Après je vais peut-être sortir du sujet, mais par exemple il y a des scratchs sur l’album. Comme tu parles d’influences, le hip-hop Américain m’ennuie profondément depuis des années. En partie je me dis que ces scratchs ajoutés sur l’album sont dus à une nostalgie où il y avait beaucoup de scratchs dans le rap, dans les années 90. Aujourd’hui, on n’en entend quasiment plus et je trouve ça dommage. On pourrait donc dire que c’est une influence, mais à rebours en fait. Et finalement, quand j’intègre mes parties dans les compositions d’Automata, j’ai vraiment envie de sortir du cadre post-rock. Le motif de piano sur On a Wire, c’est un motif plutôt positif, optimiste, un peu rythmé, ce n’est pas un truc qu’on entend classiquement dans le post-rock.

L’âge d’or rap, cette formidable idée qu’on pouvait faire une création artistique en se réappropriant des œuvres existantes… tout cela s’est arrêté pour des problèmes de copyright.

F. – Là-dessus Etienne, tu peux raconter quelques anecdotes sur nos samples (rires)

E. – Oui, disons qu’il faut faire attention ! On a essayé plusieurs samples possibles sur la composition, comme des socles. Les samples ont été intégré pour jouer les premiers rôles dans les morceaux mais petit à petit, au fil du temps, on s’est rendu compte qu’il y avait peut-être des histoires de copyright et qu’on ne pouvait pas se permettre d’utiliser n’importe quel sample. Donc on a aussi pris soin d’utiliser des samples ou des références qui existent dans le domaine public.

Voici qui me procure une transition idéale vers ma question suivante, laquelle concerne le choix d’utiliser des extraits des Yeux sans visage, immense chef d’œuvre du cinéma français…

F. – Au départ on était parti sur des extraits d’autres films mais on a vite été embarrassé par ces problèmes de droit. On s’est effectivement tourné vers le domaine public et on est tombé sur les Yeux sans visage. C’est un film que j’ai vu il y a très longtemps, et au départ, j’ai presque cru qu’on allait l’utiliser pour le clip du morceau que pour les extraits audios. Et en fait, en revoyant le film, j’ai été très séduit par la voix et l’émotion qui passe par la voix de cette actrice (Edith Scob). J’aime le contrepoint qu’il y a entre l’émotion très forte, tragique, qui se dégage de cette femme et l’aspect optimiste de Mad Motor.

Peut-être qu’il y a là moins la question de la signifiance que de la musicalité de cet extrait. Comme l’ensemble des autres samples de l’album, peut-on considérer que ce sont des instruments à part entière ?

F. – Sur Procession par exemple, notre ingénieur du son Donatien a fait un gros travail sur le tantra d’un moine Bouddhiste. Il y a un sample de pasteur aussi, qui fait un sermon sur Killing Spiders. Là, il a fait un travail énorme sur la musicalité des samples. Sur Mad Motor, le sample des Yeux sans visages, on l’a laissé courir comme ça, sans le retravailler. Le tantra sur Procession, au départ quand on l’a trouvé, il n’était pas dans la tonalité du morceau. C’est Donatien qui l’a travaillé pour que ça rentre au niveau de la tonalité.

Pour découvrir le groupe en concert ce jeudi, voici le lien vers l’évènement Fb.

Le groupe est aussi sur Bandcamp.

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A propos de François ARMAND

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