Disons-le tout net, le poil de Project Silence manque de lustre. D’emblée, il serait d’ailleurs tentant de faire piquer le film comme un toutou malade de trop nombreuses tares : une CGI laide, des personnages inachevés, un script écrit avec les pattes arrières… Mais ce serait peut-être une erreur de jeter trop vite le chiot avec l’eau du bain.

Car Project Silence peut aussi être présenté comme un film du sous-genre horrifique animalier. Et à ce compte-là, voici quelques semaines, dans une veine similaire, Sous la Seine et ses requins mutants faisait un carton mondial sur une plateforme bien connue. Ce succès, bien que planétaire – et bien sûr à relativiser car servi aux abonnés directement dans leur canapé – ne l’empêche pas de constituer une sorte de fosse des Mariannes du genre. Jugé à cet aune, Project Silence fait ses yeux ronds et humides pour parvenir à trouver son chemin, à la fois pour séduire le spectateur à l’affût d’un plaisir régressif du samedi soir et être présenté à Cannes en séance de minuit.

Project Silence

Le film de Kim Tae Gon se révèle multiple : décrit comme un film catastrophe par son réalisateur, il reprend les codes propres au cinéma horrifique. D’ailleurs, et à l’image des chiens monstrueux qu’il donne à voir, Project Silence est une sorte de clone contrefait de l’indépassable Dernier train pour Busan (et pour cause, les deux films ont le même papa : le scénariste Park Joo Suk). Film d’action plaisant et vigoureux, c’est aussi un drama aux allures de comédie. C’est bien là que réside la recette impossible à copier, laquelle rend ce long-métrage beaucoup plus attachant qu’un énième banal épisode de Sharknado aux Jeux Olympiques, dans cet alchimie qui mêle le drame à la farce, les enjeux familiaux les plus graves aux crocs ensanglantés de molosses, l’intrigue politique à la catastrophe. Difficile aussi de ne pas voir, ironiquement, le regretté Lee Sun-kyun dans un rôle d’un personnage faisant parti d’un système dont il va peu à peu devenir critique. Si l’écriture manque toujours de profondeur, les protagonistes survivants reforment inlassablement un genre de famille dont le cinéma Coréen a le secret. Dans ce mélange si propre à cette péninsule asiatique réside une singularité charmante qui ferait presque pardonner les nombreux défauts du film.

Mais la grande particularité de Project Silence tient à ses bestioles mutantes : cette fois les monstres sont des chiens, ce qui est plutôt rare au cinéma. Dans un brouillard à couper au couteau, un immense carambolage survient pile-poil au milieu d’un pont reliant Séoul à l’aéroport, provoquant la libération fortuite de braves toutous, bien entendus génétiquement modifiés dans le cadre d’un projet gouvernemental aussi farfelu qu’ultra-secret. Le pari est fait de susciter la terreur avec cet animal si familier et si proche, que l’humanité a l’habitude de dresser et de maîtriser depuis la préhistoire. Il est impossible, quand le réalisateur Kim Tae Gon interroge le regard d’Echo 9, la chienne par qui le chaos arrive, de ne pas se remémorer César dans La Planète de Singes : les Origines. Pourtant le fantasme Demain les Chiens, très beau roman de science-fiction de Clifford D. Simak décrivant l’avènement de la race canine sur Terre, fait long-feu. Malgré tout, et peut-être à son insu, le film fait un étonnant constat sur notre rapport au vivant, en montrant des humains hébétés face à une violence qu’ils ont provoqué.

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