Les Trésors maudits du Capitaine – été 24

Alors qu’un été maussade s’oublie déjà derrière les feuilles mortes d’un automne qui promet son lot de mélancolie, le Capitaine revient au port avec une cargaison qui pourrait paraître peu fructueuse. En réalité, à rebours d’une saison plutôt festive et joyeuse, voici que les cales de son rafiot sont en fait remplies de mélodies envoûtantes, qui loin d’inviter à de joyeux pillages, renverront plutôt quelques matelots perdus à un certain vague-à-l’âme, les yeux rivés sur l’océan. A ce jeu-là, ce sont les vieux briscards du metal, le cuir déjà tanné par les embruns et le soleil, qui demeurent les plus à même de ravir les cœurs comme les cages à miel. Dans le marasme écologique et politique actuel, c’est a contrario d’une violence dépassée, voire désuète, qu’une voie vers une certaine sérénité semble possible.

God is an Astronaut – Embers

Les tauliers du post rock se font plus que jamais – faussement – doux avec le classieux Embers. Sans bouger d’un iota leur style, toujours empreint d’arpèges clairs et virevoltants, les Irlandais revendiquent presque leur ancienneté, comme un pied de nez farouche à une forme de modernité.

Il serait tellement plus confortable de bouder cette dernière galette, arguant qu’il s’agit là d’une énième redite, mais rien n’y fait, c’est presque avec surprise, voire avec une pointe de regret teintée d’une mauvaise foi de vilain Diable, que la magie de la musique de God is an Astronaut opère encore et toujours. Car il faut bien confesser l’absolue beauté de ces compositions, puisée à la source même d’expériences de vie, et en particulier sur Embers avec l’évocation émouvante – et c’est un classique universel – de la perte du père. Plus que des musiciens talentueux enfermés dans leur tour d’ivoire technique et créative, le groupe surprend mine de rien encore une fois, délivrant une musique intense et sensible.

Sortie : 6 septembre 2024

Gaerea – Coma

Les nouveaux patrons du black metal Portugais s’inscrivent dans une continuité avec ce Coma, car tous les ingrédients qui faisaient le sel de leurs compositions précédentes s’y retrouvent : de belles et poignantes envolées au cœur des ténèbres, de déchirantes complaintes, une rudesse constante teintée de mysticisme… Le quintet – plus que jamais masqué – dépeint disque après disque les expériences de souffrance, d’agression ou de solitude avec un chant déchirant, qui lorgne d’ailleurs parfois sur un hardcore de bon aloi. Ainsi, Le groupe continue à délivrer des compositions à la fois diablement mélodiques et intensément brutales.

Sans prétendre révolutionner un genre perdu entre revendication de ses origines et recherche d’une avant-garde de posture, Gaerea se fraye un chemin singulier, à la fois plein d’ampleur, de furie et de subtilité pour délivrer une réflexion qui ne se contenterait pas d’être une suite de clichés sur le black metal et l’ésotérisme.

Sortie : 25 octobre 2024

Zeal and Ardor – Greif

Après l’immense succès de son premier album Devil is Fine, lequel demeure un sacré chef d’œuvre, Zeal and Ardor semblait quelque peu marquer le pas avec les opus suivants, peut-être un peu moins percutants et moins efficaces. Toutefois, le touche à tout Manuel Gagneux semblait amorcer une direction musicale singulière, quitte à s’éloigner sciemment des standards du metal.

En vérité et dans la perspective de ce nouvel album Greif, la transition semble à présent assumée et c’est un soulagement. Le groupe s’épanouit dans une forme qui lui est – finalement – propre, laquelle tranche avec ce mélange de gospel et de metal qui a fait leur succès et… a fait long feu. Zeal devient un groupe et ne se soucie plus du tout d’être du metal ou pas, en concentrant son effort dans l’obsession de mélopées répétées à l’envie, de mélodies entêtantes et d’une atmosphère toujours très cinématographique.

Dans le même temps, la musique de Zeal & Ardor se fait aussi plus exigeante. La fascination n’opère pas d’emblée, et leur musique requiert une certaine insistance afin d’en trouver des clés. Une fois les portes ouvertes, les trésors que Grief contient ne cessent plus de surprendre.

Sortie : 23 août 2024

Officium Triste – Hortus Venenum

Un comble pour un groupe portant la tristesse chevillée à son nom et qui lorgne du côté lent et douloureux du doom, mais ce Hortus Venenum se révèle véritablement vibrant et enthousiasmant. De jardin empoisonné, il est effectivement question, ou plutôt d’une résistance farouche au milieu de la dévastation d’un monde en ruine. Là réside l’espoir et l’excitation, portés par des riffs à la clarté cristalline : il restera donc quelque-chose après la catastrophe.

Le groupe batave n’en est bien sûr pas à son coup d’essai, mais il parvient sur cet opus à insuffler un souffle lyrique et captivant, qui n’est pas sans rappeler un certain romantisme, d’habitude propre aux vastes forêts finnoises. De plus, il est rare de trépigner sur un rythme d’une lenteur exquise et vénéneuse. Il n’y a qu’une envie lorsque ce disque (court) arrive à son terme : replonger au cœur de ce jardin terrible.     

Sortie : 6 septembre 2024

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A propos de François ARMAND

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