Ce mercredi 11 sort en salle le très attendu Vingt Dieux, que nous avions beaucoup aimé à Cannes, où il a reçu le prix de la jeunesse. Depuis, il a gagné de nombreuses récompenses et peut se prévaloir de trois nominations aux Césars. Il est en lice pour le prix du meilleur premier film. On se réjouit de l’accueil fait à cette oeuvre toute de fraîcheur et de délicatesse.
Retour en arrière: 17 mai 2024. Sur la scène du théâtre Debussy se tenait un groupe de très jeunes gens tels que l’on n’en croise pas beaucoup sur la Croisette. Leur point commun: ce sont tous des agriculteurs jurassiens qui, le temps d’un film, ont fait les acteurs. Louise Courvoisier, issue de la Cinefabrique, a choisi, pour son premier opus, de donner à voir ces vies, ces corps, que le cinéma montre somme toute peu. Elle les connaît bien: jurassienne, fille de deux musiciens reconvertis dans l’agriculture, elle porte sur ses personnages un regard d’une infinie douceur, sans pour autant nier l’âpreté de leur quotidien.
Suite au décès brutal de son père, Totone, 18 ans, se retrouve soudainement responsable de sa petite soeur de sept ans. Une responsabilité qui n’est plus seulement de tendresse mais aussi financière : il doit désormais trouver un moyen de gagner sa vie. Il décide alors de fabriquer, aidé de ses meilleurs amis, le meilleur comté de la région, celui avec lequel il remporterait une médaille mais surtout la rondelette somme de 30 000 euros. De bagarres en beuveries, de menus larcins en grands rêves, de grands drames en infimes victoires, la réalisatrice filme ses personnages tambour battant tout en prenant le temps de nous laisser contempler les paysages. Une musique chorale simple et bondissante, composée par ses parents, accompagne leurs aventures picaresques. «Vingt Dieux », c’est le juron dix fois proféré par ces pieds nickelés qui se heurtent à l’échec ou à la frustration. Autour de ce récit se dégage alors une fraîcheur incomparable mêlée de drôlerie et de mélancolie. Totone, avec maladresse mais aussi avec toute l’impertinence de sa jeunesse, montre qu’il est nécessaire d’espérer pour entreprendre mais pas de réussir pour persévérer. Le temps alors, comme la douleur, se décantent. Cette histoire qui le pousse plus tôt que prévu dans l’âge adulte le conduit à une aventure amoureuse. Se vit alors une romance qui n’ose pas vraiment dire son nom, et qui s’épanouit parfois dans les étables, alors qu’un veau est en train de naître. Les scènes d’amour semblent toutes neuves et le personnage féminin est un régal dans sa totale absence de mignardise.
On ne peut que penser aux premiers films de Ken Loach, lorsqu’il était à son meilleur. Et quand on est ému parce qu’un caillé est enfin réussi ou qu’une voiture gagne un improbable concours de tonneaux, on se dit que le fromage n’est pas le seul à avoir pris dans ce film. La scène finale est aussi belle que celle qui clôt De beaux lendemains de Russel Banks.
La très longue ovation réservée à l’équipe du film fut un des moments les plus touchants de la première semaine cannoise. Une cinéaste et des acteurs étaient nés! Vingt Dieux est un feel good movie que l’on peut déguster en famille pour les fêtes.
Vingt Dieux,
1h30, couleur
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