Il était une fois un petit village de Calabre en Italie, Riace, qui a pour particularité d’accueillir les migrants depuis plus de 20 ans. Ce lieu de résistance a vu son aire tomber sous le joug d’une justice plus partiale que jamais, proche de la vague réactionnaire qui s’empare du pays depuis quelques années. Lors des élections parlementaires de 2018, la Ligue obtient son meilleur score historique et Matteo Salvini devient ministre de l’Intérieur. Son cheval de bataille ? L’immigration comme tout bon nationaliste. Sans surprise, après des années d’harmonie et de bienveillance dans ce village solidaire et ouvert, la sentence tombe : son maire, Domenico Lucano, dit Mimmo, est mis en examen pour aide à l’immigration clandestine, arrêté et assigné à résidence. Le verdict, surréaliste, frappe par la violence de la sanction, démesurée et très orientée. Il écope de 13 ans et 2 mois de réclusion et de 1 million d’euros d’amende en première instance. Juste pour avoir fait venir des migrants, une solution humaniste et pragmatique pour redynamiser un milieu rural en difficulté, pour avoir construit tout au long de son mandat un havre de paix. Un Paese di resistenza raconte avec précision l’histoire de ce village pris dans la tourmente, passant de l’effervescence à la désertification, laissant derrière elle une zone vidée de ses habitants. Ceux qui sont restés se demandent bien quels crimes ils ont pu commettre.

Un paese di resistenza: al cinema in tour dal 21 novembre

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Narré sous la forme d’une petite épopée de poche par Carlo Gallo, conteur calabrais, le film qui prend la forme d’une fable déploie une énergie galvanisante, un désir d’en découdre derrière la tragédie. Shu Aello et Catherine Catella, réalisatrice en 2016 de Un paese di Calabria, insufflent aussi une légèreté qui adoucit une réalité terrifiante, celle d’un pays basculant dans le fascisme avec une régularité temporelle historique. Leur démarche n’est pas celle de documentaristes pseudo-objectives, mais de militantes lucides, animées par une colère saine et un amour de leur pays qui transpire à l’écran. On sent, derrière l’injustice et l’image que renvoie l’Italie en ce moment au reste du monde, une envie de filmer un contre-champ, celui d’un peuple qui n’est pas raciste, qui est prêt à soutenir les nobles causes et à chanter encore Bella Ciao. Cet idéalisme, qui met en avant une tradition citoyenne et révolutionnaire, peut prêter à sourire, mais demeure le centre névralgique de ce film engagé, de nécessité publique sans pour autant virer au tract propagandiste. Le film dialogue de façon souterraine avec tout un cinéma, issu du néo-réalisme, de la fin des années 50 aux années 60, celui de Francesco Rosi, Pietro Germi, Carlo Lizzani, ces modèles inaltérables qui n’ont cessé de filmer des figures héroïques y compris dans leur complexité et ambiguïté.

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Les efforts de nourrir le récit d’apports fictionnels, d’un élan dramatique pour faire réagir le spectateur ne sont pas toujours récompensés par une mise en scène qui manque de profondeur. Les plans fixes sont très bien cadrés, le montage est précis et la photographie est soignée, mais le documentaire souffre d’un dispositif peu audacieux entre interventions extérieures et régime d’images décrivant la situation. La forme, en retrait, est assujettie au discours indigné des réalisatrices qui observent Mimmo comme une sorte de héros intemporel, sorte de David contre Goliath ou de Don Quichotte des temps modernes. Pour information, les charges contre Mimmo ont été réduites en appel à 1 an et demi de prison avec sursis. Depuis, il a été élu en juin 2024, en tant que député. Une preuve de l’utilité d’un tel documentaire et la nécessité de ne jamais courber l’échine, d’être fidèle à sa vision politique quoi qu’il en coûte.

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