Conçu sur l’alternance entre performance live et vidéos documentaires, Acrobates donne à voir, au-delà du spectacle, une réflexion intime et sensible sur la condition de l’acrobate. Non pas sa condition sociologique ou économique, c’est directement la question de sa nature, son essence, qui est posée. Et par ce biais, on atteint plus profondément l’humain, ce corps qui éprouve et est éprouvé, lieu immuable depuis lequel nous faisons l’expérience du monde.
Le mélange entre performance et vidéos permet d’entretenir en parallèle au sein du spectacle ces deux réflexions, sur l’acrobate, et sur l’homme qu’il est.
Les aspects documentaires d’Acrobates donnent à entendre et à voir des témoignages sur l’acrobatie, les chutes, les blessures, la rééducation, les accidents, la mort.
Ces extraits sont autant l’invitation à prendre conscience des limites de son corps que celle à considérer les possibilités ouvertes par l’entraide et la synergie. L’acrobate, en tant qu’individu et qu’humain, semble se situer sur cette pierre angulaire d’où il regarde son corps avec lucidité.
Plus qu’une illustration, la performance en regard de ces témoignages en est une réponse, comme un écho, déformé par le prisme de la création artistique.
La première séquence est fabuleuse. Partant de la différence entre le blessé et le valide évoquée dans la vidéo, les deux acrobates se retrouvent vite ensemble sur un plan incliné, comme une métaphore de leur condition entropique (anthropique), la chute constante et le gravissement, Sisyphe.
Les deux êtres projetés sur ce plan (comme sont projetées des images de nature : pierres, branches, fleuve) se jaugent, s’affrontent, se répondent, apprennent à se connaître, se montrent leurs acrobaties, miment celles de l’autre. Au côté très animal (une forte teneur en babouin) de cette séquence s’ajouteront des suivantes, très ludiques ou plus tragiques, où le corps de l’homme est éprouvé jusque dans ses marges : animal, donc, fantôme, pantin, illusion déformable à l’envi.
Ainsi, le corps des deux acrobates épousent-ils des natures diverses qui finissent par décrire le corps, humain, qui se tiendrait entre elles toutes, en équilibre (instable). De l’humain philosophique, essence, Acrobates converge jusqu’à l’humain réel, social, nous rappelant que l’acrobate (ou tout autre performer) existe parce qu’il tisse des liens, des relations qui le font tenir, qui le maintiennent ; ainsi de celle qui existe entre le sauteur et son porteur.
Sincère, franc, désarmant de simplicité, Acrobates ne joue pas la surenchère. Il prend juste le pari que l’aventure humaine en tant que telle vaut la peine d’être contée. Pari tenu.
Acrobates
mis en scène par Stéphane Ricordel,
avec Alexandre Fournier et Matias Pilet
Théâtre Silvia Monfort – jusqu’au 2 mars
prolongations du 24 septembre au 19 octobre
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