"Arrêtez le monde, je voudrais descendre", Théâtre Dromesko – Th. Silvia Monfort

Après Le Chant du Dindon par les Rasposo et l’Obludarium des Frères Forman, la saison foraine nous mène jusqu’au chapiteau du Théâtre Dromesko, installé pour un mois en lisière du Parc Georges Brassens. Cette fois rectangulaire mais tout aussi convivial, il semble à première vue encombré : un haut gradin frontal, deux petits sur les côtés, plusieurs baraques et une tente ronde au centre de l’espace scénique. Celle-ci s’évanouit et de ce haut-de-forme surgit une curieuse assemblée : la troupe, huit femmes et hommes de tous âges, assise autour d’une petite table en compagnie d’un âne, deux chiens, une chèvre, une poule et un poisson rouge. Le fait est qu’ils se trouvent dans la salle d’attente d’un médecin, mais l’histoire ne dit pas s’il s’agit d’un vétérinaire ou d’un généraliste. C’est bien ça le problème, car cette introduction plante le décor du spectacle, à savoir les maux de notre monde. Sur cette constatation, une machinerie se met à l’œuvre et la scène à double fond révèle un intrigant manège qui commence à tourner et ne s’arrêtera qu’à la guérison, par la magie qu’il recèle.
Nous voilà embarqués pour une heure et demie de rêve éveillé où les frontières de la conscience se mélangent, bercés par les cordes tziganes de l’orchestre qui prend part au mouvement. Les tableaux s’enchaînent en alternance avec les textes d’avant-scène, tirés des Diablogues de Dubillard et de La Misère du monde de Bourdieu. Le factuel absurde et drôle de cette partie théâtrale s’illustre au tournis du manège : un ange passe, quelques têtes de lard, une robe rouge encerclée d’anonymes imperméables, des trophées de chasse qui s’animent, une poubelle à pattes, un rôti humain… Tout est sens dessus dessous, comme dans cette chambre d’hôpital où du whisky est transfusé et où l’on fume allègrement, peut-être pour oublier que la dame a une patte de dinosaure à la place du pied. Dans ce monde qui perd les pédales, on a recours à la poésie et à la dérision pour survivre, le chant de Lily aide à rétablir le sens des aiguilles du temps et le rire perce la bulle de vide qui tend à s’installer entre les êtres. Sur la paroi du fond, une fresque grisâtre fait face au public : une masse immobile et fondue, mirage et miroir de ce que nous serions sans toutes ces émotions, sans cette liberté permise par le rêve…
A voir au Théâtre Silvia Monfort jusqu’au 6 mars
(c) Christian Berthelot

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