"Electronic City", mise en scène de Cyril Teste – Théâtre Silvia Monfort

Dans la série des travaux sur notre monde malade, « Electronic City » se pose en laboratoire de l’aseptisation qui entoure les êtres et contamine leurs actes. On a ici dépassé le glissement des repères pour atteindre l’absence totale d’ancrage jusqu’à la globalisation, l’uniformité et avec elles, la désorientation. Traversant des lieux qui finissent par tous se ressembler, le marketing s’attachant à déplacer le foyer vers le dit « hors-foyer », l’homme et la femme courent à leur perte. Robots définis par leur agenda, menés d’un point à l’autre par des tapis roulants, ils n’en sont pas moins traversés d’instants de lucidité schizophrène passagère. Grains de sable dans les rouages de l’inexorable, ces moments soulèvent d’agonisantes questions : où suis-je ? qui suis-je ? où est l’autre ? Puis, la course reprend le dessus : « j’ai besoin de ce rythme, sinon on se crashe », déclare Tom.Tom, businessman surmené, a croisé la trajectoire de Joy, vendeuse dans un aéroport. Le texte de Falk Richter décortique le sursaut de ces deux personnages qui se débattent entre anonymat et isolement, sans arriver à s’y (re)trouver. Leur rencontre et leurs interactions n’ont rien d’extraordinaires, elles-mêmes déformées par l’artifice ambiant, mais ce lien quasi-accidentel représente pourtant le seul espoir de sens. La mise en scène de Cyril Teste duplique et dissèque leurs cris intérieurs, leurs doutes, par un procédé vidéo qui étend l’individuel au collectif. Sur les écrans relayés par une scénographie cubique, la caméra surveille, guette, traque et reflète. Furtivement, le regard des comédiens croise le champ de l’objectif. Subtilement, l’image interpelle le spectateur qui s’y reconnaît.

Anxiogène par les thèmes convoqués, la détresse du texte et l’effet de sur-médiatisation, le spectacle peut paradoxalement paraître bienveillant. S’il est en partie dénonciateur, le propos appelle aussi le familier dans l’impersonnel, et par là rassure et apaise, comme la neige qui tombe sur le plateau : bien qu’artificielle, elle n’en est pas moins belle, légère et prometteuse du chemin que la pureté peut se frayer dans le chaos. Tout subjectif et a priori improbable que soit ce parti pris, il n’appartient qu’à nous d’y croire…

 

A voir au Théâtre Silvia Monfort jusqu’au 11 avrilelectronic city cyril teste théâtre silivia monfort culturopoing

(c) Pierre-Jérôme Adjedj

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A propos de Sarah DESPOISSE

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