« Vous êtes venus vous divertir je suppose ?
C’est bien, c’est une bonne idée… »
– Blanche Gardin, « Il Faut Que Je Vous Parle ».
–
Blanche Gardin, on l’a tous un peu découverte grâce au Jamel Comedy Club puis suivie avec curiosité sur Comedy avec sa Ligne Blanche et plus récemment sur Canal Plus avec WorkinGirls. Parce qu’elle possède une gouaille, une fraîcheur et une répartie sans pareilles (quelque chose de Marina Foïs peut-être, mais ça, on a déjà dû lui dire 148 fois), elle fait partie de ces artistes que l’on prend plaisir à retrouver.
Blanche, c’est aussi toute une galerie de personnages : de la patineuse artistique franchement caguole Marjorie Poulet en passant par la Grand-Mère ou bien encore Hélène Grilloux, blogueuse mode insupportable, c’est un véritable éventail de personnalités que déploie Blanche, affirmant par là même cette facilité indéniable qu’elle possède pour endosser différents rôles.
« _ Comment c’est la chanteuse que j’aime bien avec les cheveux longs ?
_ Stéphane Eicher ? » – Blanche Gardin, WorkinGirls
Lorsqu’elle monte sur scène pour son nouveau spectacle « Il Faut Que Je Vous Parle ! », c’est une toute autre Blanche que l’on découvre, plus sobre et bien loin de l’excentricité de ses personnages iconiques. Ce qui frappe en effet de prime abord, c’est le « sérieux » de la jeune femme : elle ne sourit pas, bafouille même. Elle n’est pas dans l’excès et encore moins dans le mouvement comme on le voit bien souvent dans les stand-up classiques durant lesquels les comédiens arpentent la scène pour attraper le public. Non : elle reste statique, campée qu’elle est dans sa jolie petite robe bien sage.
Elle a la tête bien enfoncée dans ses épaules aussi, tient le micro en amarre comme pour se rassurer. Elle semble timide : elle est un peu cette fille toute simple sur le point de dire « une grosse connerie » sans faire exprès. Ce qu’elle fait d’ailleurs très rapidement en parlant de sexualité ou bien encore de Michel, son pote pédophile qui, malgré ses obsessions, est plutôt du genre sympa, franchement.
De la même façon, Blanche Gardin ne s’attarde pas pour introduire son spectacle : elle évoque d’emblée sa rupture et nous confie sans fard ses états d’âme ainsi que sa dépression. Très frontalement.
« Maintenant que ma vie est foutue, je vais bien prendre soin de mon petit malheur. Je vais lui donner des haricots verts, on va se coucher tôt ce soir comme ça on sera en forme pour être malheureux demain » – Blanche Gardin, « Il Faut Que Je Vous Parle ».
Parti pris bien assumé, ce positionnement original fonctionne immédiatement tant il s’oppose, par l’attitude de son interprète, aux obscénités que balance bien vite l’artiste avec un flegme génial.
« C’est marrant, ton gland de profil, on dirait la tête de Dark Vador ! » – Blanche Gardin, « Il Faut Que Je Vous Parle ».
Pourtant, on est bien loin du stéréotype (un poil facile et misogyne) de la jolie fille timide et névrosée qui raconte des horreurs, car derrière les monstruosités, le cynisme et l’humour noir de Blanche Gardin, se cache une écriture bien plus maligne qu’il n’y parait, invoquant tout à la fois la culture populaire, la politique que la philosophie de Socrate ou bien encore le féminisme de Simone de Beauvoir.
Ainsi, lorsqu’elle décrit un couple de « bobos » venu s’encanailler dans les quartiers populaires de la capitale, la comédienne a l’intelligence de renverser les clichés en faisant réagir le duo de manière plutôt conservatrice vis-à-vis des « autochtones », notamment lorsqu’il est question de scolariser le premier enfant dans un établissement public de quartier.
De même, lorsqu’elle parle de la mort de sa grand-mère dans une maison de retraite, c’est la solitude des mourants et celle de la famille qu’elle croque en filigrane avec une extrême tendresse derrière les éclats de rire qu’elle suscite. Blanche se révèle alors touchante bien qu’elle évoque très impudiquement les odeurs nauséabondes de sa grand-mère ou bien encore son envie immorale que tout se termine vite.
Mis en scène par Papy (de son vrai nom Alain Degois), le spectacle de Blanche est une réussite : la salle est hilare, le spectacle fonctionne immédiatement, preuve d’une grande et fine écriture qui ne cherche pas uniquement dans le trash et ses facilités pour faire rire et réfléchir.
Malgré un final qui nous a laissé sur notre faim, la comédienne parvient à créer une véritable complicité avec le public sans pour autant cabotiner. Ainsi dénuée de tous les tics emphatiques du stand-up, elle réussit à nous cueillir derrière le rire, très exactement là où ça fait mal.
À voir et à revoir. Mais pas en famille. Non. Le spectacle est d’ailleurs interdit au moins de 16 ans et on comprend bien pourquoi…
En ce moment tous les vendredis et samedis à La Nouvelle Seine (jusqu’au 28 mars)
© Tous droits réservés. Culturopoing.com est un site intégralement bénévole (Association de loi 1901) et respecte les droits d’auteur, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos visibles sur le site ne sont là qu’à titre illustratif, non dans un but d’exploitation commerciale et ne sont pas la propriété de Culturopoing. Néanmoins, si une photographie avait malgré tout échappé à notre contrôle, elle sera de fait enlevée immédiatement. Nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur – anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe.
Merci de contacter Bruno Piszczorowicz (lebornu@hotmail.com) ou Olivier Rossignot (culturopoingcinema@gmail.com).