"In Vitro 09", Archaos / ENC de Rio – Parc de la Villette

Drôle de laboratoire, ce kiosque en structure métallique où officie un savant en blouse pailletée… Tout aussi appliqué à interroger son miroir qu’à veiller sur ses cobayes en incubation, ce scientifique incarne le paradoxe actuel du cirque tel que l’entend Guy Carrara, co-metteur en scène du spectacle : « l’artiste de cirque n’est pas un gladiateur que l’on sacrifie et remplace au jour le jour par une créature plus compétitive sortie du « laboratoire »« . La question est d’autant plus sensible dans le contexte de la programmation récente des spectacles des promotions sortantes du CNAC et de l’ESAC sous ce même chapiteau censé leur promettre de beaux lendemains. C’est d’ailleurs dans ces mêmes écoles, ainsi qu’auprès de l’Ecole nationale de cirque de Rio et de l’anglaise The Circus Space, que Guy Carrara et Raquel Rache de Andrade ont recruté leurs poulains pour revisiter « In Vitro ». Créé en 1999 quand la polémique du clonage déchaînait les foules, le spectacle a aujourd’hui prolongé sa thématique jusqu’au devenir de l’artiste circassien et dissèque à contre-pied la notion de tremplin.Par la multiplication d’un procédé de mise en abîme, c’est bien la question de l’œuf et de la poule qui est exploitée à l’infini dans ce dispositif de cages et de chapiteaux superposés : qui observe qui et pourquoi ? où se situe la limite de l’espace scénique ? qui sont les bêtes curieuses ? A la fois volière ludique et paillasse expérimentale, le kiosque central est davantage utilisé pour son potentiel conceptuel que dans son originalité d’agrès, quoi qu’en dise le programme avec un certain penchant pour le teasing. Le spectaculaire laisse en effet la place à une profonde réflexion sur la discipline qui ne néglige pourtant pas l’auto-dérision, même si elle pourrait être plus poussée. En écho au cirque traditionnel et à la foire contemporaine, ce sont les animaux parmi les plus stupides de la création qui sont convoqués, vraies poules et véritables moutons derrière les barreaux, en compagnie de confrères humains à la limite de la mutation. L’animalité sert de support à la satire, évoquant tour à tour l’uniformisation, la culture des différences et l’asservissement dans la parade. En guise de réponses évasives aux nombreuses questions soulevées, les bêlements côtoient l’incongru et l’interrogation reste en suspend face à la cohésion solidaire et dynamique de la troupe.

Puisque c’est la surenchère qui est ici ouvertement critiquée, peu de souffle court sous ce chapiteau de symboles qui cultive l’imaginaire dans la beauté de l’instant. Ainsi, c’est la résonance des numéros qui prime sur les prouesses : les semi-poules hoquetant depuis leur cerceau-perchoir, l’apparente invincibilité du contorsionniste, la gravité qui rattrape les moutons-grimpeurs au mat chinois… La plus belle scène étant sans doute celle du jonglage collectif, jouant sur la hauteur du kiosque avec plus de balles que nécessaires, pas toutes rattrapées. On pense à un tirage de loto, à l’improbabilité du risque et à la liberté des cheminements dans un univers où l’on ne peut pas tout contrôler, selon la convention troublante du cirque. Si une issue est permise en fin de spectacle, c’est certainement la voie du funambule, hissé par la passion sur le fil de la vie. Plutôt qu’un manifeste dénonciateur, « In Vitro 09 » montre une discipline en questionnement et réaffirme la diversité des formes permises par les arts du cirque.
A voir à l’Espace Chapiteaux du Parc de la Villette jusqu’au 26 décembre

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(c) Philippe Cibille

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