« Infidèles » m.e.s. tg STAN et De Roovers

Les histoires d’amour finissent mal, en général…

Après avoir monté Scènes de la vie conjugale et Après la répétition, le collectif flamand tg-STAN (associé au collectif de Roovers) s’attaque une nouvelle fois à Ingmar Bergman et adaptent deux de ses textes : Infidèles (scénario du film éponyme) et Laterna magica, œuvre autobiographique.

« Lorsqu’on réfléchit en amont des spectacles, nous faisons un véritable va-et-vient au cœur d’une matière foisonnante, nous prenons le temps, et puis nous faisons des choix pour faire le montage textuel. Infidèles est passionnant car Bergman se met en scène lui-même : il est un personnage de la pièce et cela nous a donné envie de creuser la dimension autobiographique de son œuvre » Frank Vercruyssen (dossier de presse).

© Stef Stessel

Infidèles propose une vision passionnante du couple et de son usure centrée autour du personnage de Marianne (campée par la talentueuse et nouvelle recrue Ruth Becquart, vedette du petit écran Belge). Si l’histoire est classique – Marianne est mariée / Elle a un enfant / Elle semble heureuse / Elle tombe amoureuse du meilleur ami de son mari / Son univers s’effondre – son traitement, réaliste et profond, s’avère plus qu’émouvant : une véritable pépite d’humanité.

« Bergman s’intéresse profondément au microcosme humain, aux relations entre les hommes et les femmes : l’infidélité, l’amour, le divorce, la promiscuité, les tromperies, les humiliations. Nous sommes très sensibles à la capacité de Bergman à parler de l’âme humaine, à formuler des témoignages métaphysiques, des réflexions sur la vie en général. Son écriture est foisonnante, ses descriptions ont quelque chose de romanesque » Frank Vercruyssen (dossier de presse).

© Stef Stessel

Fort de ce matériau sensible et comme à son habitude, le collectif belge se montre économe, préférant la force du texte et de l’interprétation à l’artificialité des effets (le cahier des charges scénographique tgSTANien est en ce sens respecté à la lettre). Beaucoup de choses sont jouées dans les silences, chacun des interprètes excellant dans leur partition respective. Une distanciation bienvenue est d’ailleurs constamment rappelée, qu’il s’agisse du jeu d’interprétation qui débute le spectacle (et durant laquelle il est mentionné que la pièce n’est qu’un jeu) ou bien encore de la très surprenante et brutale interjection : « cette scène n’a pas eu lieu » qui est lancée à la fin d’une scène estomaquante.

La musique joue également un rôle important dans cette proposition. Littéralement tout d’abord puisqu’elle est évoquée lors d’un monologue à propos d’une anecdote concernant le concerto pour violon de Brahms. En 1853 le jeune Johannes Brahms se présente en effet au domicile de Robert Schumann et de son épouse Clara Wieck pour leur faire entendre une de ses compositions. Subjugué par Clara, le compositeur en tombera éperdument amoureux. Par cette anecdote Bergman ancre sa thématique dans l’histoire de l’art même et de son histoire, empilant ainsi les schémas narratifs autour de l’infidélité, thème central.

© Stef Stessel

Mais tg STAN et de Roovers vont plus loin en utilisant la musique diégétique comme métaphore filée. Les collectifs prennent un malin plaisir à torturer l’habillage sonore l’interrompant constamment. Ainsi les comédiens lancent-ils la musique pour la couper sèchement. Ce faisant, l’idée de rupture est constamment évoquée, preuve s’il en est que rien n’est si balourd chez les tg STAN (et malgré ce qu’ils veulent nous faire croire).

Saluons enfin la truculence d’une scène  bien spécifique durant laquelle les comédiens se moquent des poses parfois discutables du théâtre contemporain telles qu’adoptées par certains de ses faiseurs, réaffirmant la volonté d’un théâtre sans esbroufes.

De la dentelle.  

A ne pas rater en ce moment au Théâtre de la Bastille.

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A propos de Alban Orsini

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