« Je parle toute seule », Blanche Gardin (m.e.s. Maïa Sandoz)

Blanche Gardin 2 : elle revient… et elle est pas contente !

Le personnage dépressif et cynique campé par Blanche Gardin dans son précédent spectacle  « Il faut que je vous parle » est de retour et il n’a pas changé – ou presque , parce que maintenant, Blanche porte des colliers !

Autre changement plus discret encore, la mise en scène : ce n’est plus Papy (acolyte de Blanche au Jamel Comedy Club) qui ici l’assure, mais Maïa Sandoz (promotion 2000 du Théâtre National de Rennes). Cela voudrait-il dire pour autant que Blanche s’écarte de l’exercice du stand-up pour flirter avec celui plus « consensuel » du théâtre ? Pas vraiment. Il faut dire que Blanche Gardin ne fait pas que du stand-up : sa composition, bien que très personnelle, est aussi celle d’une incarnation à part entière. Sur scène donc, le personnage qui nous est donné à voir est désabusé, déprimé et terriblement seule, tout à la fois proche de ce que l’on perçoit de Blanche Gardin (dans l’anecdote il s’entend…) qu’extrêmement loin par la caricature qu’elle en fait.

(c) Jean-François Robert pour Télérama

(c) Jean-François Robert pour Télérama

Les sujets abordés partent dans tous les sens, le personnage prenant en charge le liant. C’est ainsi que trash, comme à son habitude, Blanche débute le spectacle en évoquant son analyse de selles et cela sans aucune pudeur. Mais il serait bien réducteur de n’en retenir que cet esprit « pipi-caca » car en bonne sociologue (Blanche a d’ailleurs fait des études de sociologie), Blanche Gardin questionne au passage la place du Bien et du Mal dans notre société, en interroge le manichéisme et la frontière plus que floue.

Autre sujet abordé : le féminisme. Comme dans « Il faut que je vous parle », Beauvoir est de nouveau convoquée.

Le spectacle pourrait gêner lorsqu’il prend le tournant de l’actualité, transformant la comédienne en éditorialiste. A-t-on le droit de rire des attentats du 13 novembre ? Nous attendions Blanche Gardin très exactement sur ce terrain (elle l’avait déjà fait sur Charlie Hebdo) et sur ce point-là, elle ne déçoit une nouvelle fois pas.

« Quand je pense que Charlie, finalement, ce n’était que l’apéro. Le 7 janvier, c’était les Tuc avant la blanquette de veau. Ben dis donc ! On a hâte de savoir ce qu’il y a pour le dessert !

Mais on ne le savait pas à l’époque. Charlie, ça a hyper-casher choqué tout le monde. On parlait d’un avant et d’un après Charlie.

Il n’y a pas eu cet effet avant-après pour les attentats au Kenya. Quinze jours près Charlie, dix fois plus de morts, mais il faut dire que la différence avant-après n’était pas nette-nette là-bas. C’était la merde avant, c’est la merde après…. Une différence de teinte de marron peut-être mais pas visible pour l’œil européen. C’est normal que ça arrive chez eux, mais pas chez nous ! Parce que nous, on nous a dit : « vous inquiétez pas, vous êtes la génération sans guerre, puisqu’on a de quoi faire péter la planète et que tout le monde le sait. Donc, entre maintenant et le moment où on fera tout péter, il ne peut rien arriver. Logique non ? »

Charlie, tout le monde se souvient de l’endroit où il était quand ça s’est passé. On ne se souvient pas d’où on était ni de ce qu’on faisait au moment des attentats au Kenya. C’est une bonne technique pour savoir si un truc est important ou non, ça », Blanche Gardin, Il faut que je vous parle (First Editions).

Parce que son analyse n’est jamais gratuite, ni facile, son cynisme fait mouche avec une pertinence plus que bienvenue. Ce passage, très fort, nous confronte à nos propres instincts face à la mort et à ce qu’ils ont d’universels.

Sur ce point et durant tout le spectacle, Blanche Gardin réaffirme un sens de l’écriture indéniable, bien plus précis que ce qu’il n’y parait de prime abord.

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Après avoir fait vivre une deuxième fois en six mois son personnage désabusée, nous attendons désormais la comédienne dans un autre registre et pourquoi pas, celui du contre-pied, à savoir un nouveau caractère à l’optimisme affirmé. On prend les paris ?

A découvrir en ce moment à la Nouvelle Seine.

À noter également la sortie aux Editions First du texte du précédent spectacle, « Il faut que je vous parle ».

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A propos de Alban Orsini

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