"Koltès voyage", mis en scène par Bruno Boëglin – Théâtre des Amandiers

L’intimité universelle

« Une part de ma vie, c’est le voyage, l’autre, l’écriture. J’écris très lentement. Je n’écris jamais à Paris. Mes idées me viennent toujours en voyage. Mais, à vrai dire, je ne traverse pas la région comme un ethnologue qui voyage pour ensuite collecter des impressions et les exploiter ensuite. L’important, pour moi, c’est d’être isolé. » (Une part de ma vie, Bernard-Marie Koltès)
Bernard-Marie Koltès, dramaturge français (1948-1989), est une référence éblouissante en matière de théâtre contemporain. Il a créé une langue à part, poétique et directe, une « fraternité d’idéal et de modernité ». Parmi ses pièces les plus connues, on peut citer Roberto Zucco, Quai Ouest, Dans la solitude des champs de coton, Sallinger. Ses personnages sont universels et par l’évocation de thèmes concrets, il dépeint la complexité des rapports humains à travers la solitude, l’errance, la filiation ou encore le désir, dans un savant mélange de douce violence, d’humour et d’absurde.
Jusqu’ici, on savait peu de choses sur l’homme. Il allait peu au théâtre, il lisait peu, il aimait le reggae et les voyages. Frustrant, si l’on considère la fascination que déclenche l’étude de son œuvre : les quelques informations glanées proviennent d’Une part de ma vie, série d’entretiens publiés, « une autobiographie à l’évidence lacunaire, volontairement lacunaire et intéressante comme telle » (Alain Prique). Et puis aujourd’hui, on découvre sa correspondance qui date de son voyage en Amérique Centrale en 1978 et on accède à ses pensées intimes, à ses émotions. Il y décrit les pays, la nature, parle de ses rencontres, de son rapport à l’écriture, en conciliant son amour de la solitude et la communication avec ses proches, parce que ce qu’il aimait, c’était raconter.
Dans la petite salle du Planétarium, Bruno Boëglin et Otto Ricardo Gaytan Silva se donnent la réplique dans une lecture bilingue des lettres de Koltès et lui rendent hommage avec respect, connivence et émotion. Qu’on le découvre ou qu’on le retrouve, Koltès est là, avec ses mots, son regard tendre sur la vie et les gens, son franc-parler, ses vérités parfois cruelles mais d’une beauté incomparable. On n’a qu’une envie en sortant du théâtre : se (re)plonger dans ses textes et les entendre, encore. Et aussi marcher dans ses pas au Guatemala, au Brésil, au Nicaragua, au Mexique, comme l’ont fait Bruno Boëglin et ses acolytes, qui montrent à la suite de la lecture un documentaire tiré de leur périple.
« Le principal, c’est cette révélation de se trouver devant quelque chose qui ne fait pas une minute penser à nos ruines de châteaux ou nos cathédrales, quelque chose de tellement sophistiqué, de tellement secret qu’on croit assister à un retournement du sens du temps, et qu’on est devant l’élaboration interminable et progressive d’un projet d’avenir très lointain. »
(Les Lettres de Bernard-Marie Koltès, à paraître en avril 2009 aux Editions de Minuit)
A voir au Théâtre des Amandiers à Nanterre, jusqu’au 13 février.

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