« Maman dans le Vent », m.e.s . Jacques Descorde – Lucernaire

Une Maman dans le vent et les écumes.

“Daddy, why don’t you protect me
Someone’s gonna hurt me
There’s nothing I can do”
, Julia Stone, Winter on the Weekend.
Un couple, un père et sa fille, dans une chambre d’hôtel (peut-être). Une station balnéaire ou bien Etretat (sans doute). On verrait bien Etretat, un océan _ du sel_ et quelque chose et sûr, il y une falaise. Des choses tranchantes aussi, d’un peu cachées. Des blessures à vif encore : le décès de la mère, partie trop tôt pour un ailleurs fantasmé. Dans cet ailleurs, il y a une maison et un joli jardin forcément très fleuri puisqu’il est celui imaginé par la fille. Une jolie clôture.
Où vont les mamans quand elles meurent ?
Comment doit-on souffrir ?
DR
Le père n’a bien sûr pas forcément les réponses et pourtant, il est poète : avec sa fille ils bâtissent des jeux fait sur les mots. Ils y pensent sur les autoroutes ou bien l’intimité d’une chambre : chacun glisse alors les phrases dans l’oreille de l’autre mais elles n’éloignent ni la douleur ni l’absence malgré toute la bonne volonté de chacun (et le soleil continue de tomber derrière les vitres comme avant). On imagine que le temps file inexorablement contre la volonté de ces deux-là qui certainement voudraient le voir retenir. Et le jeu ? C’est celui qui consiste à trouver des échappatoires, comme un peu de théâtre dans la réalité, une Roxane et un Cyrano dans un couple d’âge mûr et le père alors de saigner du nez. Manque le grand tilleul…
« LA FILLE : Papa ?
LE PÈRE : Hum ?
LA FILLE : Pourquoi on est là ?
LE PÈRE : Tu le sais très bien.
LA FILLE : Non. Je veux dire pourquoi on est toujours là ? Pourquoi on ne repart pas à la maison ? Et pourquoi tu pleures jamais ?
LE PÈRE : Il y a des millions de façons de pleurer. Chacun la sienne. Il y a des gens qui…
LA FILLE (l’interrompant) : Et c’est quoi ta façon ? 
», Maman dans le Vent, Jacques Descordes (École des Loisirs).
DR
Au travers d’un travail délicat et sensible, Jacques Descorde nous propose un spectacle tout aussi bien précis que pudique sur cette relation si particulière qui unit deux membres d’une famille que la mort touche de trop près. La perte de l’enfance. Sa quête aussi. En égrenant le temps et en l’articulant autour de la chambre, la voiture, l’extérieur ou bien encore le restaurant, l’auteur, metteur en scène et comédien capte avec beaucoup de justesse ce moment très à la brèche avec trois fois rien (quelques lumières, un rétroprojecteur et quelques accessoires). C’est tout à la fois simple et vrai : à l’image de cette robe accrochée tout du long à jardin et qui nous rappelle à chaque instant que la mort est une présence à apprivoiser, qu’elle est rouge et qu’elle tombe bien sur les hanches.

Si l’on peut s’interroger sur l’intérêt de faire jouer l’enfance tant l’échange tel qu’écrit se suffit à lui-même dans l’incarnation, le couple interprété par Jacques Descorde, tout en réserve, et l’exubérante et très juste Solenn Denis, fonctionne à merveille et touche avec une sincérité qui ne cherche jamais à trop démontrer. Faisant s’opposer les personnalités très tranchées des deux protagonistes, la tragédie tout au contraire les unit de manière très touchante, disposées qu’elles sont sur un fil ténu qui se cristallise de manière symbolique dans ce cri déchirant de la fille vers la mère.
Un très joli et émouvant spectacle à découvrir en ce moment au Lucernaire jusqu’au 14 juin. 

Texte et mise en scène Jacques Descorde
Assistant à la mise en scène Nadège Cathelineau
Avec Solenn Denis et Jacques Descorde
Costumes Valérie Paulmier

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A propos de Alban Orsini

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