Pierre Rigal ne sait apparemment ni chanter, ni jouer d’un instrument, ce qui ne l’empêche pas d’avoir le sens du rythme quand il ne se roule pas par terre. La cadence, c’est justement une des caractéristiques de sa carrière de chorégraphe avec près d’un spectacle par an depuis que cet ancien athlète a quitté les starting-blocks. Fourmillant d’idées, mêlant performance physique et profondeur contemporaine, de nombreuses scènes françaises l’accueillent avec ferveur.C’est au monde de la musique et plus précisément à la scène pop-rock que Pierre Rigal s’est attaqué en 2010 pour « Micro ». Avec un regard aussi fasciné que critique, il propose un fondu d’expression corporelle, de danse et de musique live pour réfléchir au format du concert. Faisant le choix des tableaux, comme pour ses précédents spectacles, l’artiste démarre avec le culte du corps, non sans un clin d’oeil à sa discipline première, mimant à l’aide de son micro sur pied un lancer de poids, de javelot ou une séance d’haltérophilie. Souvent au centre de la scène ou façonneur des postures de sa troupe, il fait figure tour à tour de chef d’orchestre et de catalyseur dans un monde de fièvre, d’apparence, d’énergie parfois communicative, parfois vaine, souvent uniformisé, aujourd’hui dévasté.
Là où « Micro » fait mouche, c’est dans sa double dynamique, palpable notamment dans les moments les plus rythmés où l’effervescence communicative tourne à l’outrance. Le fan, représenté par Pierre Rigal lui-même, se laisse emporter mais n’est pas dupe. Par le biais de la dérision, il parvient à souligner cette ambivalence entre fédération et ridicule. Des grosses têtes enfouies dans les caisses de batterie à l’escargot qui rentre dans sa coquille sous l’effet de la pop neurasthénique, en passant par les singeries enthousiastes du métal, la niaiserie des ballades de midinettes ou le détournement du beatbox, c’est à la fois l’artiste et le spectateur qu’il dissèque.
Mais à trop vouloir étayer un concept abstrait, l’accumulation des réflexions suggérées se fait pesante. Malgré la créativité des idées, le spectacle se fait redondant à plusieurs reprises sans atteindre réellement sa cible qui demeure floue. Plus profond qu’« Asphalte », moins léché que « Press », le charme de « Micro » ne tient pas la longueur, probablement parce que la démonstration s’impose au détriment de la chorégraphie. A trop vouloir s’illustrer, la magie astucieuse de Pierre Rigal perd de son épaisseur : décevant, mais pas inintéressant.
A voir au TGP de Saint-Denis jusqu’au 16 octobre
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