Lieu emblématique du patrimoine lyonnais, classé monument historique depuis près d’une quarantaine d’années, la Villa Lumière fut d’abord une maison de maître que fit construire Antoine Lumière (père de Louis et Auguste) au début du XXième siècle. Cela, avant de connaître divers usages : demeure familiale puis siège social et bureaux de la Société Lumière, elle sera ensuite vendue au groupe Ilford Photo (qui occupera les lieux jusqu’en 1976) et ultérieurement à la ville de Lyon. Après une rénovation en 1978, elle accueille la Fondation nationale de la photographie (jusqu’à sa dissolution en 1993) puis l’institut Lumière, dès sa création en 1982. L’association va permettre à un objectif de longue date de la municipalité de prendre vie en son sein : un projet de musée du cinéma confié au docteur Paul Génard, important collectionneur de films et d’objets liés au 7e art, en 1966. L’institut développe plusieurs activités entre le hangar du Premier-Film et la Villa va alors installer dans la maison de maître, un centre de documentation (fondé par Raymond Chirat) et un musée, sobrement baptisé Musée Lumière. Créé principalement à partir de la collection du docteur Paul Génard et du fonds Lumière, il est dédié au Cinématographe et à l’histoire de la famille Lumière. Il propose d’explorer le processus de l’invention du cinéma, des premières expérimentations faites dans le monde entier aux différentes créations techniques des frères Lumière jusqu’à leurs tournages et l’exploitation de leurs films. Fermée au public depuis le mois de janvier 2023, la Villa Lumière a fait l’objet de travaux de modernisation (réhabilitation des deux salles de cinéma du sous-sol, mise au point de nouveaux dispositifs à l’intérieur du musée) et de rénovations multiples (révisions technique des installations, mise en accessibilité du bâtiment aux personnes à mobilité réduite…), avant de rouvrir ses portes peu après la fin de la 15ème édition du Festival Lumière. Nous avons pu visiter, non sans joie et curiosité, ce nouveau Musée Lumière et un petit retour s’est logiquement imposé.
En préambule, afin de pouvoir profiter pleinement de la visite, prévoir une heure et demie n’est pas du luxe, le parcours est riche et l’ennui n’y a pas sa place. Le souvenir lointain d’une précédente venue une quinzaine d’années auparavant a rapidement été effacé par la redécouverte du lieu et de l’exposition. Celle-ci est répartie en deux étages, la première se situe en bas, au rez-de-chaussée. Elle donne à découvrir les différentes inventions fondatrices avec des pièces rares à disposition telles que le tout premier Cinématographe ou un Kinétoscope Edison. Cet espace est sensiblement le même qu’avant, à une différence très notable dans l’accessibilité de son contenu. En effet, la volonté de s’adapter/s’ouvrir à de nouveaux publics, a accouché d’un rééquilibrage, entre les textes descriptifs et l’usage de davantage d’écrans pour transmettre le flot d’informations de manière plus immersive. Cette évolution accentue l’un des points forts du musée : être en mesure de s’adresser autant à des passionnés de cinéma et de photographie qu’à de simples curieux. La possibilité de « tester » certaines inventions vient ajouter un aspect ludique à la visite qui s’avère fort réjouissant, en plus de permettre d’une certaine manière, la mise en pratique de la théorie pour mieux comprendre le procédé exposé. Il est fascinant d’observer avec un recul de plusieurs années, les différentes étapes de l’expérience de projection et de visionnage à travers les époques, tant sur le plan collectif qu’individuel. Il est également intéressant de constater que la pérennité de la transmission de cette histoire passe elle aussi par une adaptation perpétuelle afin de ne cesser d’être pertinente. Celles et ceux qui avaient visité l’exposition Lumière ! Le cinéma inventé au Grand Palais à Paris en 2015 ou deux ans plus tard au Musée des Confluences à Lyon, connaissent déjà une spectaculaire installation qui fait son entrée dans la Villa : Une fresque numérique qui donne l’opportunité de voir simultanément la totalité des films Lumière (soit 1422 « vues cinématographiques ») réalisés entre 1895 et 1900, projetés en intégralité, au moyen d’un dispositif fascinant. Parfaite conclusion à une première moitié dense et fournie.
Après, ces captivantes histoires d’inventions et d’avancées techniques, la deuxième partie de la visite se focalise davantage sur les œuvres et les créations. Située à l’étage, elle a fait l’objet de changements nettement plus sensibles. Les films Lumière diffusés autrefois sur tablettes sont désormais visibles sur des écrans, cet élargissement des perspectives vise à remettre au cœur du projet la notion d’expérience collective. Un grand écran propose également de voir ou revoir quelques « vues cinématographiques » tirées de Lumière ! L’aventure commence. Plus étonnant, un clip musical concocté par un lyonnais bien connu, Jean-Michel Jarre qui mêle avec une efficacité redoutable films Lumière et sonorités électroniques. Cette rencontre entre deux univers a priori distincts surprend par son évidence, sa chimie et ainsi la nouvelle portée qu’elle s’octroie. Expérience la plus sidérante du parcours, l’installation de l’artiste sculptrice Emilie Tolot qui a conçu une plateforme tournante mettant en mouvement près de 300 petits personnages par un jeu de vitesse et de lumière (avertissement tout de même pour les réfractaires aux effets stroboscopiques), renouant avec les inventions originelles observées durant la première partie de l’exposition. Impressionnante, abstraite et inexplicable, cette création laisse sans voix. L’étage contient également deux clins d’œil, l’un a la nature première du lieu, à savoir un lieu d’habitation avec une pièce de vie à visiter, l’autre, à la Société Lumière, avec l’exposition de plaques et papiers photographiques, appareils, du temps de l’entreprise familiale. En somme, ce Musée Lumière rénové est une réussite qui a su se moderniser sans perdre son essence, pour continuer de s’adresser à toutes les générations et pérenniser son héritage. La visite est assurément recommandée, elle nous replonge de plein fouet au cœur au cœur d’un récit intime et local, devenu universel et mondial.
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