Avant même de passer la porte du joli chapiteau en bois peint, une transition dépaysante nous fait déjà subrepticement glisser dans un autre monde. On patiente quelques minutes en observant un forgeron mal léché, puis un petit théâtre de marionnettes, le temps que tout le monde s’entasse sur les bancs de cette curieuse installation. L’espace est « limité », aussi bien pour la troupe qui dispose d’une toute petite scène circulaire, que pour les spectateurs serrés contre les autres, « calamars à la plancha » pour ceux du gradin, « poulets au frigo » pour ceux d’en-bas. Maison en pain d’épices vu de l’extérieur, le chapiteau bien chauffé a dedans un air ancien du théâtre du Globe. Noir. « Mesdames, ladies and gentlemen, les enfants : on voit bien qu’on n’y voit rien », déclare Monsieur Loyal-Forman, qui parle une langue étrange, sorte de franco-tchéquo-british vacillant. Dans l’obscurité, les lieux et les époques se mélangent, jusqu’à ce que l’oeil se mette à distinguer des choses inimaginables…A la mesure du coup de pédale bénévole pour actionner la dynamo des projecteurs, le public sera sollicité durant tout le spectacle pour que l’illusion puisse agir. Par la force de l’imagination et l’extrême des conventions théâtrales, le merveilleux devient réalité. Ici, pas de surenchère ni de magie technique dans les « numbers », mais une poésie brute enfantine et beaucoup de poudre de perlimpinpin pour un voyage extraordinaire. Une femme à barbe, un géant, des nains, des têtes tchèques de poupées, une sirène, ou autant de figures folkloriques qui amènent le cirque au cabaret et vice-versa, en puisant dans la tradition. Un peu abîmés et délaissés, ces personnages trouvent refuge à l’Obludarium (de
obluda en tchèque : monstre). L’ensemble évoque et inspire un retour aux racines du cirque et du spectacle, aux émotions essentielles. Proches d’Alice au Pays des Merveilles et de Mary Poppins, on papillote et on plonge dans ce curieux univers tour à tour flottant et enivrant…
Sur fond de musique tzigane, qui leur est propre tout autant que ce chapiteau et qui vient compléter leur démarche atypique, les frères Forman appartiennent à la branche authentique des arts du cirque et à ses aspirations familiales et fédératrices, tout comme la plus acrobatique Compagnie Rasposo. Coup de pouce à la bonne humeur et pétrissage de l’imaginaire garantis, le spectacle est à son apogée lorsqu’un cheval de bois s’éveille et cabriole au signal d’une majestueuse écuyère. En sortant, il n’est pas rare d’apercevoir au loin quelques licornes…
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