« Richard III – Loyaulté me lie », m.e.s. collective

Richard III – Loyaulté me lie : la grande foire du fou.

Ce Richard III-là est un rêve, une sorte de chose insane sans être pour autant un cauchemar, même s’il en a tous les ingrédients et qu’il débute ainsi (sorte d’écho au « Désespère et meurs ! » tel qu’écrit par William Shakespeare). Sans doute parce qu’il possède une face clownesque dans sa démesure et cette façon qu’il a de se jouer de tout le monde, le Duc de Gloucester est ici présenté le visage peint en blanc et affublé de 2 points noirs sur le front (sont-ce des antennes, des yeux ?). Tantôt Pierrot, tantôt fantassin, il ne quitte jamais son pyjama, preuve qu’il est des rêves qui durent parfois très et trop longtemps.

©tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

Dans Richard III – Loyaulté me lie, c’est Jean Lambert-Wild qui incarne le roi fou. Totalement investi, l’excellent comédien lui confère toute l’épaisseur requise tant dans le corps que la voix. Si la folie est bien évoquée à grands renforts cabotins, la difformité du monstre est ici suggérée sans être appuyée plus que ça. Un choix comme un autre face à tout le reste qui claque, qui vibre, qui vrombit, qui se dérobe avec un paradoxal sens de l’économie.

Économie de comédiens tout d’abord, puisqu’ils ne sont que deux sur scène, Jean Lambert-Wild d’une part et Elodie Bordas de l’autre. À eux deux ils ont la lourde tâche de faire exister les nombreux personnages de Shakespeare (la pièce originale compte pas moins de 35 protagonistes principaux) et le pari est-il à peine lancé, qu’il est d’emblée réussi.

©Tristan Jeanne-Valès

©Tristan Jeanne-Valès

Alors bien sûr quelques personnages passent à la trappe et le spectateur aura parfois bien du mal à reconnaître certains d’entre eux (Richmond par exemple), mais avec malice, les deux comparses donnent corps à l’ensemble avec une déconcertante facilité. Il faut dire qu’en plus d’être talentueux (Elodie Bordas excelle dans cette faculté qui consiste à passer d’un personnage à l’autre), les deux comédiens sont très bien entourés, le spectacle résultant d’une démarche collective de troupe réunissant Jean Lambert-Wild et Elodie Bordas bien sûr, mais aussi Lorenzo Malaguerra, Gérald Garutti, Jean-Luc Therminarias et Stéphane Blanquet. Cet accompagnement collégial se ressent constamment dans la précision des mouvements et des intentions données sur scène, le tout pour le plus grand plaisir des spectateurs.

« J’ai l’impression que de n’avoir que deux interprètes pour cette adaptation est une excellente idée. Un comédien pour interpréter Richard III, et une comédienne comme écho déformant des fantasmes du premier. Je pense que cela offre beaucoup de clarté à cette pièce foisonnante. En outre, s’il n’est pas possible d’embaucher une quarantaine d’acteurs pour représenter une quarantaine de personnages, je pense alors qu’il faut savoir être radical dans l’autre sens. Élodie Bordas est une actrice qui est capable de tout jouer, sans pour autant se métamorphoser du tout au tout. Il ne s’agit pas ici de faire un numéro de transformisme, mais plutôt d’incarner le cauchemar récurrent de Richard. C’est une posture d’actrice très difficile à tenir. Bien sûr, nous allons nous attacher à mettre en place des codes simples et lisibles pour chacun des personnages qu’elle interprétera. Mais ce qui est essentiel, c’est qu’Élodie Bordas comme Jean Lambert-Wild doivent être synchrones dans la grande tempête de folie où la pièce bascule peu à peu », Lorenzo Malaguerra à propos de Richard III – Loyaulté me Lie (dossier de presse).

Économie de texte également : faire vivre cette longue épopée historique en deux heures requiert forcément coupes et raccourcis. Si l’ensemble est plutôt réussi en termes d’écriture, le dénouement arrive néanmoins un peu comme un cheveu sur la soupe, la guerre débarquant sans que l’on en ait saisi véritablement tous les enjeux.

©Tristan Jeanne-Valès

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Économie de décor enfin, une seule installation étant proposée sur scène sans changement total aucun. Mais quel décor ! Il est le troisième personnage de cette pièce – rien que ça ! – sorte de fond de scène en carrousel et castelet dessiné façon BD.  Conçu par Stéphane Blanquet, il ne cesse d’évoluer au grès de ses ouvertures (trappes, rideaux, tiroirs, panneaux amovibles…) et des effets spéciaux numériques qui viennent l’habiller par projection.

« Puisque la technologie fait partie de notre quotidien, il n’y a pas de raison qu’elle ne fasse pas aussi partie du théâtre. Le seul problème de la technologie sur scène, c’est qu’il lui faut être plus forte que les acteurs pour ne pas être ridicule, pour ne pas sonner faux ou superfétatoire. En outre, et c’est un point important, elle est chronophage. Pour ne pas sombrer corps et biens, il est essentiel de prendre en compte la place et le temps qu’elle occupe dans les répétitions. Ce qui est à mon goût important, dans la façon dont Jean Lambert-Wild utilise la technologie, c’est qu’elle crée de l’étrangeté et ajoute une étonnante dimension archaïque au spectacle. Il s’agit réellement d’une technologie théâtrale, et pas seulement de machines qui se superposent au théâtre. Les fantômes technologiques font partie intégrante de la machine festive qui unit à la fois l’imaginaire, le toc, le criard et l’élégance du clown », Lorenzo Malaguerra à propos de Richard III – Loyaulté me Lie (dossier de presse).

Sans phagocyter pour autant le jeu des deux comédiens, le décor, le travail du son et la technologie utilisée pour les faire vivre et cohabiter au sens le plus littéral du terme, accompagnent le récit avec pertinence tout en déployant une foultitude d’idées originales et malignes. Mention spéciale à la séquence stroboscopique qui voit des personnages s’incarner dans le mouvement de roues d’une sorte de diseuse de bonne aventure ou bien encore à la projection de visages sur différents supports (des ballons notamment).

©Tristan Jeanne-Valès

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La thématique de la fête foraine est d’ailleurs omniprésente autant dans le décor qu’au travers des différentes apparitions plus ou moins fantasmagoriques qui ponctuent le récit (pantins, voyantes…). Mais si les idées sont bonnes voire excellentes sur le papier, leur réalisation tape parfois à côté par manque de lisibilité. À titre d’exemple, si figurer les personnages des enfants dans deux barbes à papa est une idée brillante (elle est d’ailleurs filée un peu plus loin, les gourmandises se voyant tout simplement dévorées à la mort des deux prétendants au trône), elle est malheureusement peu lisible pour le spectateur en fond de salle, n’ayant pas été jouée plus que ça sur scène pour être parfaitement saisie.

©Tristan Jeanne-Valès

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Autres bémols, la pièce manque parfois de rythme, quelques changements demandant au comédien de meubler de manière parfois artificielle (danse, pantomime) les temps d’attente. De fait, l’ensemble nécessiterait un petit resserrage à ce niveau pour le rendre plus dynamique et éviter les ventres mous en cours de route. De même, l’armure en céramique finale mériterait d’être mieux mise en avant : conçue en porcelaine de Limoges, peinte et dessinée par Stéphane Blanquet, elle est si sublime que nous aurions aimé en profiter davantage… à moins que ce dernier reproche ne soit que caprice de spectateur face à la beauté de la chose…

©Tristan Jeanne-Valès

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En conclusion, porté par deux comédiens brillants et une équipe des plus inventives, ce Richard III fourmille d’idées géniales et originales autant visuelles que sonores. Il en faudrait peu pour faire de ce spectacle un spectacle parfait. Gageons que ce soit le cas passés les nombreux ajustements à venir.

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A voir du 20 Novembre au 2 Décembre 2016 Théâtre de l’Aquarium Paris
Le 6 Décembre 2016 Le CarreauForbach
Du 13 au 17 Décembre 2016 Théâtre Dijon Bourgogne Dijon
Le 10 Janvier 2017 Theatre Edwige-Feuillère Vesoul
Le 14 Janvier 2017 Theatre de Bretigny – scène conventionnée Brétigny-sur-Orge
Le 17 Janvier 2017 Théâtre de Chelles, Chelles
Le 20 Janvier 2017 L’escale en co-accueil avec la Ferme du Jeux à Vaux le Penil MELUN
Le 27 Janvier 2017 théâtre Palace Bienne en Suisse

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A propos de Alban Orsini

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