"Ring", m.e.s. Catherine Schaub – Théâtre du Petit St-Martin

Un ring, mais pas de combat.
 
Sur scène, pas de ring à proprement parler, mais un espace blanc, virginal : c’est une naissance, celle d’un amour.
Adam et Ève ouvrent le bal. Ce sont des Adam et Ève très à côté : pas vraiment là où on les attend, pas vraiment là où ils nous surprennent non plus.
La pièce commence à cet endroit précis où l’humanité nait, contre le tronc d’un arbre dans une atmosphère très alanguie.
Puis s’enchainent des saynètes sur l’amour, le couple et sur tout ce que l’idée sous-entend : l’adultère, l’ennui, la routine, la passion, la jalousie, le sexe, les enfants… je te quitte, je te fuis, tu m’aimantes, les contraires s’attirent, qui se ressemble s’assemble, fuis-moi, je te suis, suis-moi, je te fuis… On enfile un peu des perles, mais c’est joliment fait…
 
À partir de situations représentatives du quotidien amoureux, l’auteure Léonore Confino tisse de petits portraits sensibles qui, mis bout à bout, racontent de manière fragmentée, ce qu’est l’amour. Sans être exhaustives, ces séquences prennent en charge, chacune dans leur ton et leur ambiance propre, une des facettes de ce sentiment.  Modernes, sexy, légères, les 18 situations se succèdent avec rythme et humour, le tout dans une grande complicité générale.
 
Scéniquement, le ring est symbolisé par l’espace blanc que quelques éléments de mobilier viennent habiller en décor. Ainsi, un banc immaculé se transforme en baignoire en quelques instants, le lit se déplace d’un endroit à un autre en un battement de cils. Sur le grand écran blanc qui devient le décor à part entière, sont rétroprojetés un arrière-fond, un texte, une image. Ainsi, chacune des scènes possède son identité visuelle propre. Si le procédé est classique, il est discutable lorsqu’il propose une vision technoïde de la scène : à grand renfort d’effets spéciaux et de sons spatiaux, la première partie ne convainc en effet visuellement pas vraiment, preuve s’il en est qu’un procédé éprouvé ne fonctionne pas toujours.

 

(c) DR

 

 
Pour incarner ce couple aux multiples visages (Camille et Camille), les géniaux Audrey Dana et Sami Bouajila sont parfaits. Investis et très physiques (Audrey Dana s’était d’ailleurs blessée la cheville la veille de la représentation à laquelle nous avons assisté), ils incarnent leur personnage avec tact et visiblement beaucoup de plaisir. Sensibles, sensuels, charnels, ils donnent corps aux amoureux avec finesse et complicité sans jamais tomber dans la caricature ni le cabotinage.
 
« Je voudrais que les spectateurs sortent de Ring aussi épuisés qu’après un combat de boxe, le désir au ventre de retourner à la vraie vie pour aimer et panser les blessures » Léonore Confino.
 
Pourtant, si on passe effectivement un très bon moment, nous ne sortons pas de ce Ring-là aussi épuisés que le souhaiterait l’auteur. La faute sans doute à un texte qui, s’il s’avère indubitablement sensible, enfonce bien souvent des portes ouvertes, ne faisant qu’effleurer en surface son sujet. Manquant d’audace sous prétexte d’universalité, on lui aurait préféré plus d’incise, de piquant. Gentillet, le texte se déploie ainsi dans une ambiance contemporaine qui, si elle s’avère rafraichissante dans sa première partie, reste linéaire dans la seconde, sans véritable montée en puissance, complaisante qu’est le verbe à ne reproduire que des quotidiens légèrement bancals.
 
 
« Il n’y a pas de famille idéale, il n’y a que des familles qui mentent », Léonore Confino, Ring.
 

(c) DR
 
Un geste des comédiens est d’ailleurs révélateur de cette réserve du texte : dans une scène très rapprochée, les mains gourmandes du comédien Sami Bouajila effleurent le corps de sa partenaire, elle aussi brûlante de désir. Tremblantes, elles passent rapidement du cou offert aux flancs jusqu’aux hanches et remontent sur des courbes qui s’ouvrent. Pourtant, les mains éviteront les seins, les contourneront, comme gênées par ce qu’elles font et ce qu’elles racontent. Le spectateur reste, comme ces mains, sur sa faim en tout : l’amour et sa gourmandise doivent se vivre, même scéniquement. On aurait aimé que Sami Bouijila empoigne sa partenaire, on aurait aimé qu’Audrey Dana empoigne le sien et qu’ainsi le combat se donne à voir dans les corps mêmes. On aurait aimé assister à la même pièce, mais un peu déplacée dans le coin de l’audace. Des griffures, de vraies blessures, des bleus et même _ osons_ du sang.  Le combat qui nous est donné à voir est au contraire un combat de molasses ou les coups ne sont qu’à demi portés. Des uppercuts en guimauve, des nez cassés en chamallow.
 
Pour conclure, s’il est indéniable que cette bataille est divertissante, elle ne restera pas dans les mémoires comme le combat du siècle.
Nous ne sommes pas allés panser des blessures : nous sommes sortis en ouvrir.

A découvrir au Théâtre du Petit St-Martin.

Le texte est à découvrir aux Editions L’Oeil du Prince.


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Une pièce de Léonore Confino
Mise en scène Catherine Schaub
Avec Audrey DanaSami Bouajila. Décors Élodie Monet. Lumières Jean-Marie Prouvèze. Costumes Julia Allègre. Musique Bastien Burger. Image vidéo Mathias Deflau. Chorégraphies Magali B.
 
 
    

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A propos de Alban Orsini

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