Il est une constante chez tg STAN qui consiste à nous faire croire que le théâtre est une chose simple, improvisée qui nait dans les coulisses sans aucun véritable travail préalable. Et on s’y laisse prendre à chaque fois avec un grand plaisir.
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Scènes de la Vie Conjugaled’Ingmar Bergman, s’il est un chef-d’œuvre du cinéma international incontesté, ne s’avère pas moins un matériel théâtral exceptionnel tant les différentes pistes scéniques qu’il propose sont pléthores, et les metteurs en scène contemporains ne s’y sont pas trompé tant le texte est de nombreuses fois montés depuis (comme l’excellent Plus qu’Hier et Moins que Demain mis en scène par Pierre Maillet en 2010). Proposant la description d’un couple (Marianne et Johan) sur près de vingt ans, la série de six épisodes de Bergman (remontée par la suite en un long métrage en 1974) enchaine les différentes périodes _entre doutes, disputes et réconciliations_ qui jalonnent l’histoire de ce duo. Psychanalytique et très sensible, l’objet cinématographique témoigne du talent d’auteur du cinéaste qui sonde au plus près l’âme humaine autant que les mécanismes du couple avec une extrême finesse.
« … J’ai regardé une vieille photo de classe, quand j’avais dix ans. Et brusquement j’ai été consciente de quelque chose qui était là mais qui m’échappait depuis toujours… J’ai toujours fait ce que les autres attendaient de moi. D’aussi loin qu’il m’en souvienne, j’ai toujours été obéissante, humble, malléable. J’étais plutôt ingrate et gauche, et on me le rappelait en permanence. Peu à peu j’ai découvert que si je gardais mes pensées pour moi, si je parvenais à gagner la confiance des autres, ça pouvait m’être profitable… Mais le grand mensonge est venu à la puberté. Tous mes désirs, toutes mes sensations étaient tournés vers le sexe… C’est alors que la dissimulation est devenue ma seconde nature. Dans mes relations avec les autres. Dans mes relations avec les hommes. La dissimulation, toujours. Toujours ce même effort désespéré pour plaire à tout le monde. Ma vie n’a jamais été un drame, je ne suis pas douée pour le drame. Mais pour s’acheter une sécurité extérieure, le monde vous demande un prix très élevé : la destruction permanente de la personnalité. Surtout je crois pour les femmes, les hommes ont une marge plus grande... », Marianne, Scènes de la Vie Conjugale, Ingmar Bergman.
(c) Dylan Piaser
Et c’est à ce talent d’auteur que le collectif Anversois tient à rendre hommage au travers de cette version de Scènes de la Vie Conjugale qui place le texte d’Ingmar au cœur de la pièce. En effet et comme toujours chez tg STAN, les savonnages de textes, les changements de décor durant lesquels les comédiens quittent leur rôle, servent à merveille l’auteur par la distanciation qu’ils imposent. Loin donc de se moquer du texte, cette vraie/fausse légèreté des comédiens dissimule brillamment un profond respect des mots qui s’entendent d’autant mieux.
Reprenant quasiment à l’identique la scénographie de Mademoiselle Else (rappelons que Scènes de la Vie Conjugale fait partie, avec Mademoiselle Else et Nusch, d’un triptyque thématique proposé par le collectif autour du duo) tg STAN s’éloigne de l’esprit de bande en proposant une pièce intime qui se joue à deux. Les lumières sont violentes, les changements de costumes se font à vue, comme pour renforcer la terrible résonnance de ce couple qui lentement se délite dans une profonde proximité.
« … Est-ce que c’est une question de choix ?… de faire le mauvais choix ?… À suivre toujours le même petit chemin sans réfléchir… jusqu’à ce qu’on aille verser dans le fossé, sur un dépotoir… », Johan, Scènes de la Vie Conjugale.
(c) Dylan Piaser
Brillamment interprété par un Frank Vercruyssen délicieusement cabotin et une Ruth Vega Fernandez toujours très à la brèche, Scènes de la Vie Conjugale se révèle une nouvelle réussite de Tg Stan.
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