« The Generosity of Dorcas », m.e.s. Jan Fabre

De fil en aiguille, un homme au milieu…

© Marcel Lennartz

Avertissement.

Devant le théâtre, bravant le froid hivernal, des membres de « La Permanence » (en soutien au mouvement belge Engagement) remettent entre les mains des spectateurs un tract intitulé : « Pas de sexe, pas de solo » dans lequel le collectif remet en contexte la proposition du flamand Jan Fabre à laquelle ils s’apprêtent à assister.

« Spectatrice, spectateur de The generosity of Dorcas de Jan Fabre il faut que tu sois informé.e » , extrait du tract « Pas de sexe, pas de solo » du collectif La Permanence.

En effet, suite à la parution en septembre 2018 d’une tribune intitulée « Open Letter : #metoo and Toubleyn / Jan Fabre » visant à alerter le public et les professionnels du climat délétère qui régnait alors dans la compagnie Troubleyn dirigée par Jan Fabre (ce dernier étant accusé d’avoir monnayé l’accès à des premiers rôles contre des faveurs sexuelles), six collaborateurs du metteur en scène et plasticien belge démissionnaient.

« Le comportement imprévisible et le tempérament capricieux de Fabre ont porté atteinte à la confiance en soi et à la dignité de nombreuses personnes » (extrait de la tribune intitulée « Open Letter : #metoo and Toubleyn / Jan Fabre » (revue Rekto Verso)).

Ainsi, « The Generosity of Dorcas » initialement intitulé « The Generosity of Tabitha« , devait être interprété par Tabitha Cholet. Cette dernière faisant partie des collaborateurs de Troubleyn ayant quittés la compagnie, le solo fut rebaptisé et donné à Matteo Sedda, un des participants du célèbre Mount Olympus, une performance culte de plus de 24 heures du même metteur en scène. Le spectacle donné à voir est donc une nouvelle version de celle imaginée à l’origine et remaniée suite aux événements décrits ci-dessus.

Pour finir, rappelons qu’à ce jour aucune plainte n’a été déposée contre Jan Fabre et que donc ce dernier n’est pas accusé juridiquement.

« Maintenant que tu es informé.e, comment regardes-tu ce solo ? » extrait du tract « Pas de sexe, pas de solo » du collectif La Permanence.

Maintenant que nous sommes informés, contentons-nous de livrer une critique du spectacle en lui-même, la justice décidant du reste.


© Marcel Lennartz

Au-dessus de la scène, plus de 200 aiguilles pendent, simplement accrochées qu’elles sont à de bien fragiles ficelles de laine. Dessous, un homme, l’incroyable danseur et performeur Matteo Sedda, évolue. Tel un derviche tourneur inspiré, il est affublé d’une multitude de vêtements qui, lorsqu’il se déplace, occupent l’espace tout autour de lui à la façon de voilages tournoyants. Ces vêtements sont plus qu’accessoires, Dorcas (ou Tabitha suivant les versions) se rapportant à ce personnage biblique iconique qui aurait donné l’intégralité de ses vêtements aux plus nécessiteux avant de mourir puis d’être ressuscitée par Saint-Pierre. Ainsi le personnage se dépouille-t-il également sur scène, cédant un à un ses vêtements avant de finir dans le plus simple appareil.

Empruntant tout à la fois au music-hall, au mime, au cirque, au voguing et au cinéma, Matteo Sedda campe « un » Dorcas envoûtant et charmeur. Minaudant du début à la fin, il incarne – gants, bas blancs, rouge à lèvres or  – une sorte de cowboy dégenré, le tout avec une extrême générosité, en témoigne ces offrandes vestimentaires qu’il fait au public.

© Marcel Lennartz

La musique impeccable de Dag Taeldeman (qui avait également œuvré sur Mount Olympus) accompagne et transcende l’interprétation de Matteo Sedda. Accumulant les boucles – qu’elles soient instrumentales ou vocales – elle entraîne l’interprète, tout comme le spectateur, dans une sorte de transe dans laquelle les images se bousculent pour finir dans une évocation votive des plus magnifiques.

D’une beauté et d’une fraîcheur des plus généreuses, The Generosity of Dorcas est une petite pépite qui nous permet de découvrir ou redécouvrir un interprète haut en couleur.

A découvrir jusqu’au 31 janvier 2019 au Théâtre de la Bastille.

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A propos de Alban Orsini

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