Nouvelle exposition événement de la Cinémathèque française, l’institution invite Wes Anderson pour sa toute première exposition annonçant le début d’une tournée mondiale* jusqu’en 2029 consacrée à cet artiste excentrique, soulignant ainsi son caractère exceptionnel : du vivant de son créateur, par sa jeunesse (55 ans) et sa filmographie ramassée (11 longs-métrages & 5 courts-métrages projetés lors de sa rétrospective du 22 mars au 25 mai 2025). Elle entérine la place de cet artiste dans la culture pop du XXIè siècle comme nul autre, sévissant depuis les années 1990, il a su imposer son identité, immédiatement reconnaissable de n’importe quel photogramme tiré de sa filmographie : son sens du cadrage, sa symétrie obsessionnelle, son goût pour une palette aux couleurs chatoyante, un casting A-list avec des proches récurrents, mais invitant toujours de nouvelles têtes à incarner ses fantaisies narratives et visuelles, la musique en rythmique de ses extravagances sonores… Cinéaste fantasque qui divise par son formalisme, ça passe ou ça casse, tant son univers marqué est homogène, et en même temps se déclinant à l’infini en de multiples variations graphiques : son trop plein visuel ne cesse d’explorer ses affects, son imaginaire et ses fantasmes, et par la-même les nôtres.
Exposition Wes Anderson du 19 mars 2025 au 27 juillet 2025
L’exposition propose une déambulation partagée entre explorations biographique & chronologique, puis thématique au travers de la diversité de la collection privée de Wes Anderson et d’archives de productions : maquettes, tableaux, mobiliers, livres, cartes, journaux, moyens de transport, marionnettes, miniatures, costumes, photographies, carnets de travail, archives scénaristiques, dessins préliminaires, storyboards, affiches, accessoires, Polaroïds, partitions de musique, plans de décors, schéma de mises en place de la caméra, animatiques, figurines, découpages de séquences, disques vinyles… donnant alors une vue d’ensemble de ses recherches esthétiques tout au long de ses créations minutieuses, personnelles et collectives.
exposition Wes Anderson avec une façade personnalisée de son univers visuel @ la Cinémathèque française
Le départ de la scénographie tente de nous replonger dans l’un de ses films les plus emblématiques The Grand Budapest Hotel, chef d’œuvre multi récompensé, notamment par 4 statuettes (Meilleure musique de film, Meilleurs décors, Meilleurs costumes, Meilleurs maquillages et coiffures) lors de la 87è cérémonie des Oscars en 2015. Les films de jeunesse (Tête brûlée/Bottle Rocket & Rushmore) introduisent et campent l’énergie des premières amitiés au long cours de Wes Anderson, avec en l’occurrence les frères Owen & Luke Wilson, et Jason Schwartzman & Bill Murray. Avec Bottle Rocket (court & long-métrages), le ton comique est posé avec des jeunes en rébellion, se révélant être des bras cassés pendant une évasion et dans leurs tentatives de braquage et cambriolage. Ensuite, dans le deuxième long-métrage, Schwartzman personnifie les déboires d’Owen Wilson pendant sa scolarité à St. Mark’s School of Texas et le premier alter ego à Anderson, dans un autoportrait glauque du créateur demiurge obsédé, manipulateur et toxique pour arriver à ses vaines fins amoureuses, mais qui s’offre un final théâtral et théâtralisé de pyrotechnique totalement jubilatoire. La figure tutélaire de Roald Dahl planait déjà sur ce duo créatif et que le frère Eric Chase Anderson croqua dans des dessins de cette époque posant les fondements de l’inventivité de son frère cinéaste. Dès les premières pièces exposées, on sent la complicité de l’ébauche de la troupe andersonnienne à venir et le soin apporté à tout ce qui pourrait apparaître dans le cadre, tout y est donc étudié, conçu et orchestré avec acribie.
exposition Wes Anderson – accueil par l’équipe du Grand Budapest Hotel
Ensuite, l’exposition se poursuit par des thèmes : Familles d’artistes, Voyages, Stop-motion, Fresques européennes, Sur scène parcourant la filmographie en regroupant par salles et alcôves les films, et articulant les aspérités saillantes des collaborations fructueuses d’Anderson (Robert Yeoman chef-opérateur, Roman Coppola scénariste, Alexandre Desplat compositeur musical, Adam Stockhausen chef décorateur, Milena Canonero cheffe-costumière, Andy Gent concepteur de marionnettes, Simon Weisse concepteur de miniatures, Erica Dorn graphiste…). Le fil rouge de sa filmographie traverse l’enjeu de trouver sa place dans la société & sa famille, et ce, toujours dans une tension réconciliant émotions & rigueur formelle, et pourtant laissant également une place pour la consolation, refaire du commun dans la séparation et la division, grâce à l’émancipation, l’affranchissement des classes, jeunes, hiérarchies… en associant toujours des interprètes ciselés autour de leurs personnages & leurs représentations/images (anecdote dans Wes in Town** avec les figurants en fin d’article) : on y retrouve alors la ribambelle d’acteurs & actrices qu’on aime à reconnaître ou à découvrir affublés de costumes & coiffures sans pareille et aux gestuelles déconcertantes, frisant et cabotinant avec le burlesque : Gene Hackman, Anjelica Huston, Ben Stiller, Gwyneth Paltrow, Seymour Cassel, Cate Blanchett, Willem Dafoe, Jeff Goldblum, Irrfan Khan, Adrien Brody, Bruce Willis, Edward Norton, Frances McDormand, Tilda Swinton, Ralph Fiennes, Mathieu Amalric, Harvey Keitel, Jude Law, Saoirse Ronan, Léa Seydoux, Tom Wilkinson, Benicio Del Toro, Timothée Chalamet, Lyna Khoudri, Denis Ménochet, Christoph Waltz, Bryan Cranston, Scarlett Johansson, Liev Schreiber, Tom Hanks, Matt Dillon… La multitude d’objets & œuvres présentés rendent compte du détail atteint, mais n’oublie jamais qu’Anderson cherche toujours une vision d’ensemble qui dans le cadre de ses plans apporte tout le sens et l’émotion traqués dans ses riches compositions. On s’attend ainsi à la nature des éléments sous nos yeux (costumes, accessoires, écrits, photos…), mais pas forcément à certaines archives, qui sont pour la plupart inédites. On découvre dès lors une sensibilité et une quête inlassable de déclinaisons illimitées, et de rapports au monde et représentations fantasmées ou exotisées, mais assumées, car on y devine tout de même une sincérité dans cette fascination de l’ailleurs (l’Inde avec plusieurs acteurs indiens récurrents dans des petites rôles, la France & sa francophilie, l’Autre…), et dès qu’il s’agit d’un réel quotidien (lieu, famille…), alors transformé par le goût du décalé et du décalage. Cette incursion dans l’espace mental andersonnien permet d’accéder pour lors au plus près de ses secrets de fabrication.
exposition Wes Anderson – stop motion
Et l’un des plus épatants est celui que nous confia Ben Adler producteur associé, lors de la visite lundi midi, à propos de la révélation sur la conception de Fantastic Mr. Fox à Anderson : le travail en animation avec plusieurs collaborateurs lui donna l’envie de préparer tous ses prochains films en prises de vues réelles avec des animatiques intégrales. Malgré l’aspect sommaire d’une animatique, il peut paraître délirant à présenter à ses producteurs un planning incluant la création d’une animatique déroulant tout le film, on croyait qu’un storyboard suffirait, mais la prévisualisation devint depuis une étape incontournable de la mise en scène de ses films lives avec en co-metteurs en scène Jay Clarke artiste principal du storyboard & Edward Bursch monteur animatique, rendant possible l’étude de tous les placements et angles de caméra, la cadrage des plans, l’ébauche du rythme du montage, etc… Selon Adler, au contraire, il y a un gain en efficacité avec cette méthode et ce qu’on croirait être une perte de temps en animant le tout finit par être un bénéfice pendant le tournage car tout y fut anticipé finalement et cela put même accueillir de nouvelles suggestions décidées collégialement pendant le tournage d’une scène (anecdote dans Wes in Town** à voir en fin d’article). À côté du dessin de Carl Sprague pour la conception des décors du Grand Budapest Hotel, vous trouverez par conséquent trois extraits d’animatiques de 13 minutes en boucle.
exposition Wes Anderson – expérience VR accessible les WE/jours fériés de 11h30 à 19h30
avec une immersion sur L’Île aux chiens en compagnie des héros canins !
Une exposition pouvant plaire tant aux petit·e·s qu’aux grand·e·s (sauf le tableau de Rich Pellegrino pour lequel certains parents voudront le masquer aux yeux chastes de leurs enfants), fétichistes collectionneurs pourront s’extasier devant des pièces uniques, comme les figurines et marionnettes des films d’animation raviront les enfants. Pour les plus aventureux ou curieux de la Réalité Virtuelle, FoxNext VR Studio (avec Felix & Paul Studios et Google Spotlight Stories) avait conçu une immersion de 5mn pour L’Île aux chiens qui avait accompagnée la promotion de sa sortie sur nos écrans : les héros canins dévoilent leurs caractéristiques et liens entre eux, et dans l’immersion on vous partage le design de chacun d’eux en studios avec Anderson en voice-over des textes, puis dits par les voix originales et françaises du film. On regrettera seulement ce qu’on retrouve dans tous les lieux manquant d’espace en face à face est la réflexion des écrans lumineux dans les vitres masquant ce qu’on aimerait bien y voir voilées par d’intempestifs reflets. Aussi, l’exposition étant d’une plus courte durée que celle de L’Art de James Cameron, on vous conseille de ne pas tarder à la visiter afin de vous plonger dans l’univers ébouriffant et multidimensionnel de cet autodidacte, ouvert d’esprit faisant référence aux pop cultures européenne et asiatique, et toujours enclin à vous embarquer dans des expéditions visuelles et émotionnelles, intimes et tragiques, osant la mélancolie avec une grande générosité dans le burlesque et l’humour, mettant en valeur avec générosité les comédien·ne·s qu’il aime tant. Cette exposition nous rend témoin de cette communion artistique et humaine.
exposition Wes Anderson – casiers du Grand Budapest Hotel
👓 Expérience VR accessible les WE/jours fériés de 11h30 à 19h30
👨🏻👩🏻👧🏻👦🏻👨🏽👩🏽👧🏽👦🏽 Ateliers du week-end :
– Fais ton cinéma comme Wes Anderson : inspirés par les codes stylistiques de la mise en scène de Wes Anderson, les enfants tournent en studio une courte séquence en jouant avec l’échelle des plans ou les mouvements de caméra. Pour les 9-14 ans tous les dimanches de 14h30 à 15h30 ou de 16h à 17h
– Mr. Fox et sa bande : pour imaginer les nouvelles aventures de Mr. Fox, un atelier d’animation image par image de marionnettes en volume (renards, lapins et blaireaux), dans des décors inspirés par le film Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson : pour les 9-11 ans les samedi 5 avril et dimanche 8 juin de 15h à 17h + pour les 12-14 ans les samedi 29 mars et samedi 17 mai de 15h à 17h30
🧏🏼♀️🧏🏿♂️ Visites en Langue des Signes Française menées par Carine Morel (Conférencière LSF), la visite guidée LSF est adaptée pour le public sourd & malentendant les 29 mars, 26 avril et 22 mai à 17h
🌃 Nuit des musées le samedi 17 mai de 19h à minuit : un RDV dans l’univers de Wes Anderson. Cluedo géant, concert de jazz & d’autres surprises
👨🏽🏫 Conservatoire des techniques :
– Conférence de Simon Weisse, superviseur des décors miniatures avec la participation de Julien Dumont, Directeur du Musée – Cinéma & Miniature de Lyon, projection commentée d’images, d’extraits de films et de making-of le vendredi 18 avril à 17h
– Leçon de cinéma avec Robert Yeoman, directeur de la photographie des films de Wes Anderson animée par Bernard Benoliel & Laurent Mannoni. Leçon de cinéma suivie, à 20h30, de la projection de The Grand Budapest Hotel le vendredi 23 mai à 18h
🎬 Rétrospective cinéma du 22 mars au 25 mai 2025 :
– Asteroid City + Wes Anderson par Wes Anderson, une leçon de cinéma animée par Matthieu Orléan le samedi 22 mars à 14h30
– La Famille Tenenbaum : dialogue avec Marc Cerisuelo le samedi 28 juin à 14h30
– Fantastic Mr. Fox présenté par Wes Anderson le dimanche 23 mars à 15h
– The French Dispatch : dialogue avec Matthieu Orléan animé par Isaac Gaido-Daniel le dimanche 27 avril à 14h30
– The Grand Budapest Hotel: dialogue avec Alexandre Desplat le samedi 21 juin à 14h30
– À bord du Darjeeling Limited : dialogue avec Nicolas Saada animé par Bernard Benoliel le samedi 10 mai à 14h30
– Rushmore
– courts-métrages : Hotel Chevalier, La Merveilleuse histoire d’Henry Sugar, Le Cygne , Le Preneur de rats & Venin
** Entretien avec Jim Jourdane, éditeur de Wes in Town : un tournage à Angoulême @ éditions Makisapa à Angoulême, disponible à la librairie de la Cinémathèque :
L’envers du décor, une façon de découvrir la réception d’un film (ici The French Dispatch) au cœur de sa fabrication
On a profité d’une balade à Angoulême ce mardi pour une visite des lieux de tournage de The French Dispatch et une rencontre avec Jim Jourdane, qui lui aussi avait entraîné avec lui dans une aventure livresque Thibault Balahy, Olivier Balez, Lou Bonelli, Sylvain Delcourt, Julie Gore, Louise Laveuve, Giorgia Marras, Benjamin Mialet, Christophe Nardi, Miss Paty, et Robin Raffalli pour une BD recueillant l’épopée citadine que constitua le tournage du film dans leur ville. Un récit drolatique et tout aussi fantaisiste qu’un film d’Anderson lui rendant hommage de la plus belles des façons !
* 📚 Catalogue Wes Anderson : les Archives disponible fin mars/début avril 296 pages – 38 €
Première publication autorisée par Wes Anderson, qui met en lumière l’histoire du design dans ses films, à travers des objets emblématiques. Entretien exclusif avec Wes Anderson ; interviews de nombreux acteurs et collaborateurs de longue date, essais inédits.
#ExpoWesAnderson
© Tous droits réservés. Culturopoing.com est un site intégralement bénévole (Association de loi 1901) et respecte les droits d’auteur, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos visibles sur le site ne sont là qu’à titre illustratif, non dans un but d’exploitation commerciale et ne sont pas la propriété de Culturopoing. Néanmoins, si une photographie avait malgré tout échappé à notre contrôle, elle sera de fait enlevée immédiatement. Nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur – anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe.
Merci de contacter Bruno Piszczorowicz (lebornu@hotmail.com) ou Olivier Rossignot (culturopoingcinema@gmail.com).